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racine de la même plante ; mais on a trouvé un moyen de la cueillir sans péril : on creuse la terre tout alentour, on attache à la racine mise à nu un chien qui, voulant suivre celui qui l’a attaché, enlève la plante et meurt aussitôt. Après cela, on peut la manier sans danger. Les démons qui s’y logent, et qui sont les âmes des méchants, tuent ceux qui s’en emparent autrement que par le moyen qu’on vient d’indiquer ; et, ce qui d’un autre côté n’est pas moins merveilleux, ajoute encore Josèphe, c’est qu’on met en fuite les démons des corps des possédés aussitôt qu’on approche d’eux la plante baaras. »

Babailanas. Voy. Catalonos.

Babau, espèce d’ogre ou de fantôme dont les nourrices menacent les petits enfants dans les provinces du midi de la France, comme on les effraye à Paris de Croquemitaine, et en Flandre de Pier-Jan Claes, qui est Polichinelle. Mais Babau ne se contente pas de fouetter, il mange en salade les enfants qui sont méchants.

Babel. La tour de Babel fut élevée cent quinze ans après le déluge universel. On montre les ruines ou les traces de cette tour auprès de Bagdad. — On sait que sa construction amena la confusion des langues. Le poëte juif Emmanuel, à propos de cette confusion, explique dans un de ses sonnets comment le mot sac est resté dans tous les idiomes. « Ceux qui travaillaient à la tour de Babel avaient, dit-il, comme nos manœuvres, chacun un sac pour ses petites provisions. Quand le Seigneur confondit leurs langages, la peur les ayant pris, chacun voulut s’enfuir, et demanda son sac. On ne répétait partout que ce mot, et c’est ce qui l’a fait passer dans toutes les langues qui se formèrent alors. »

Babinet (M.), l’un de nos savants les plus forts et les plus spirituels. Cependant il s’est permis quelques excentricités. Par exemple, dans son admiration devant nos progrès, il annonce qu’un jour l’homme actuel ne sera que le chien de l’homme plus perfectionné qui doit venir. Ne soyons donc pas trop fiers.

Bacchus. Nous ne rapporterons pas ici les fables dont l’ancienne mythologie a orné son histoire. Nous ne faisons mention de Bacchus que parce que les démonographes le regardent comme l’ancien chef du sabbat fondé par Orphée ; ils disent qu’il le présidait sous le nom de Sabasius. « Bacchus, dit Leloyer, n’était qu’un démon épouvantable et nuisant, ayant cornes en tête et javelot en main. C’était le maître guide-danse[1], et dieu des sorciers et des sorcières ; c’est leur chevreau, c’est leur bouc cornu, c’est le prince des bouquins, satyres et silènes. Il apparaît toujours aux sorciers ou sorcières, dans leurs sabbats, les cornes en tête ; et hors des sabbats, bien qu’il montre visage d’homme, les sorcières ont toujours confessé qu’il a le pied difforme, tantôt de corne solide comme ceux du cheval, tantôt fendu comme ceux du bœuf[2]. »

Les sorciers des temps modernes l’appellent plus généralement Léonard, ou Satan, ou le bouc, ou maître Rigoux.

Ce qui sans doute appuie cette opinion que le démon du sabbat est le même que Bacchus, c’est le souvenir des orgies qui avaient lieu aux bacchanales.

Bacis, devin de Béotie. Plusieurs de ceux qui se mêlèrent de prédire les choses futures portèrent ce même nom de Bacis[3]. Leloyer dit que les Athéniens révéraient les vers prophétiques de leurs bacides, « qui étaient trois insignes sorciers très-connus[4] ».

Bacon (Roger) parut dans le treizième siècle. C’était un cordelier anglais. Il passa pour magicien, quoiqu’il ait écrit contre la magie, parce qu’il étudiait la physique et qu’il faisait des* expériences naturelles. Il est vrai pourtant qu’il y a dans ses écrits de singulières choses, et qu’il voulut élever l’astrologie judiciaire à la dignité de la science. On lui attribue l’invention de la poudre. Il paraîtrait même qu’on lui doit aussi les télescopes et les lunettes à longue vue. Il était versé dans les beaux-arts, et surpassait tous ses contemporains par l’étendue de ses connaissances et par la subtilité de son génie. Aussi on publia qu’il devait sa supériorité aux démons, avec qui il commerçait.

Cet homme savant croyait donc à l’astrologie et à la pierre philosophale. Delrio, qui n’en fait pas un magicien, lui reproche seulement des superstitions. Par exemple, François Pic dit avoir lu dans son livre des six sciences qu’un homme pouvait devenir prophète et prédire des choses futures par le moyen d’un miroir, que Bacon nomme almuchefi, composé suivant les règles de perspective ; pourvu qu’il s’en serve, ajoute-t-il, sous une bonne constellation, et après avoir tempéré son corps par l’alchimie.

Cependant Wierus accuse Bacon de magie goétique, et d’autres doctes assurent que l’Antéchrist se servira de ses miroirs magiques pour faire des miracles.

Bacon se fit, dit-on, comme Albert le Grand, un androïde. C’était, assurent les conteurs, une tête de bronze qui parlait distinctement, et même qui prophétisait. On ajoute que, l’ayant consultée pour savoir s’il serait bon d’entourer l’Angleterre d’un gros mur d’airain, elle répondit : Il est temps.

Un savant de nos jours (M. E. J. Delécluze) a publié sur Bacon une remarquable notice, qui le pose justement parmi les intelligences supérieures.

Les curieux recherchent, de Roger Bacon, le

  1. Discours des spectres, liv. VII, ch. iii.
  2. Discours des spectres, liv. VIII, ch. v.
  3. Cicero, De divin., lib. I, cap. xxxiv.
  4. Discours des spectres, liv. VII, ch. iii.