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ginaient que les dieux Lares s’amusaient à l’agiter ; 12° enfin, ils regardaient comme un motif d’augure une tristesse qui leur survenait tout à coup.

Nous avons conservé quelques traces de ces superstitions, qui ne sont pas sans poésie.

Les Grecs modernes tirent des augures du cri des pleureuses à gages. Ils disent que si l’on entend braire un âne à jeun, on tombera infailliblement de cheval dans la journée, — pourvu toutefois qu’on aille à cheval. Voy. Ornithomancie, Aigle, Corneille, Hibou, Aruspices, etc.

Auguste. Leloyer rapporte, après quelques anciens, que la mère de l’empereur Auguste, étant enceinte de lui, eut un songe où il lui sembla que ses entrailles étaient portées dans le ciel, ce qui présageait la future grandeur de son fils. Ce nonobstant, d’autres démonographes disent, qu’Auguste était enfant du diable. — Les cabalistes n’ont pas manqué de faire de ce diable une salamandre.

Auguste était superstitieux ; Suétone rapporte[1] que, comme on croyait de son temps que la peau d’un veau marin préservait de la foudre, il était toujours muni d’une peau de veau marin. Il eut encore la faiblesse de croire qu’un poisson qui sortait de la mer, sur le rivage d’Actium, lui présageait le gain d’une bataille. Suétone ajoute qu’ayant ensuite rencontré un ânier, il lui demanda le nom de son âne ; que l’ânier lui ayant répondu que son âne s’appelait Nicolas, qui signifie vainqueur des peuples, il ne douta plus de la victoire ; et que, par la suite, il fit ériger des statues d’airain à Panier, à l’âne et au poisson sautant. Il dit même que ces statues furent placées dans le Capitole.

On sait qu’Auguste fut proclamé dieu de son vivant, et qu’il eut des temples et des prêtres[2].

Augustin (saint), évêque d’Hippone, l’un des plus illustres Pères de l’Église. On lit dans Jacques de Varasc une gracieuse légende sur ce grand saint :

Un jour qu’il était plongé dans ses méditations, il vit passer devant lui un démon qui portait un livre énorme sur ses épaules. Il l’arrêta et lui demanda à voir ce que contenait ce livre. — C’est le registre dé tous les péchés des hommes, répond le démon ; je les ramasse où je les trouve, et je les écris à leur place pour savoir plus aisément ce que chacun me doit. — Montrez-moi, dit le pieux évêque d’Hippone, quels péchés j’ai faits depuis ma conversion ?… Le démon ouvrit le livre, et chercha l’article de saint Augustin, où il ne trouva que cette petite note : — « il a oublié tel jour de dire les compiles, » Le prélat ordonna au diable de l’attendre un moment ; il se-rendit à l’église, récita les complies, et revint auprès du démon, à qui il demanda de lire une seconde fois sa note. Elle se trouva effacée. — Ah ! vous m’avez joué, s’écria le diable,… mais on ne m’y reprendra plus… En disant ces mots, il s’en alla peu content.

Nous avons dit que saint Augustin avait réfuté le petit livre du Démon de Socrate, d’Apulée. On peut lire aussi de ce Père le traité de l’Antéchrist et divers chapitres de son admirable ouvrage de la Cité de Dieuqui ont rapport au genre de merveilles dont nous nous occupons.

Aumône. Le peuple croit, en Angleterre, que, pour les voyageurs qui ne veulent pas s’égarer dans leur route, c’est une grande imprudence de passer auprès d’une vieille femme sans lui donner l’aumône, surtout quand elle regarde en face celui dont elle sollicite la pitié[3]. — Cette opinion, nous n’aurons pas le courage de la condamner.

Aupetit (Pierre), prêtre border du village de Fossas, paroisse de Paias, près la ville-de Chalus, en Limousin, exécuté à l’âge de cinquante ans, le 25 mai 1598. — Il ne voulut pas d’abord répondre au juge civil ; il en fut référé au parlement de Bordeaux, qui ordonna que le juge laïque connaîtrait de cette affairé, sauf à s’adjoindre un juge d’église. L’évêque de Limoges envoya un membre de l’officialité pour assister, avec le vice-sénéchal et le conseiller Peyrat, à l’audition du sorcier. — Interrogé s’il n’a pas été au sabbat de Mendras, s’il n’a pas vu Antoine Dumons de Saint-Laurent, chargé de fournir des chandelles pour l’adoration du diable ; si lui, Pierre Aupetit, n’a pas tenu le fusil pour les allumer, etc. ; il a répondu que non, et qu’à l’égard du diable, il priait Dieu de le garder de sa figure : ce qui était le langage ordinaire des sorciers. — Interrogé s’il ne se servait pas de graisses, et si, après le sabbat, il n’avait pas lu dans un livre pour faire venir une troupe de cochons qui criaient et lui répondaient : « Tiran, tiran, ramassien, ramassien, nous réclamons cercles et cernes pour faire l’assemblée que nous t’avons promise ; » il a répondu qu’il, ne savait ce qu’on lui demandait. — Interrogé s’il ne sait, pas embarrer ou désembarrer, et se rendre invisible étant prisonnier, il répond que non. — Interrogé s’il sait dire des messes pour obtenir la guérison des malades, il répond qu’il en sait dire en l’honneur des cinq plaies de Notre-Seigneur et de M. saint Côme.

Pour tirer de lui la vérité, selon les usages d’alors, on le menaça de la question. Il avoua alors qu’il était allé au sabbat ; qu’il lisait dans le grimoire ; que le diable, en forme de mouton, plus noir que blanc, se faisait baiser le derrière ; que Gratoulet, insigne sorcier, lui avait appris le secret d’embarrer, d’étancher et d’arrêter le sang ; que son démon ou esprit familier s’appelait Belzébut, et qu’il avait reçu en cadeau son petit doigt. Il déclara qu’il avait dit la messe en

  1. In Augusto, cap. xc.
  2. Il a quelques légendes sur Auguste dans les Légendes de l’Ancien Testament.
  3. Fielding, Tom Jones, liv. XIV, ch. ii.
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