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ZIN
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Le lendemain, en effet, dès le petit jour, l’animal était à l’endroit désigné, et quelques heures plus tard, le devin s’étant présenté pour toucher la somme convenue, la veuve allait s’empresser de la lui remettre, quand son fils l’en empêche et dit d’un air goguenard : « Puisque vous êtes sorcier, mon cher, vous devez aussi connaître le larron : allez donc le trouver de ma part et dites-lui de vous remettre les dix florins. — Oh ! Hanz, reprend la paysanne mécontente, cela n’est pas juste : toute peine mérite salaire, et qui sait si cet homme pourra rattraper le voleur ? — Sois donc tranquille, réplique le fils, le voleur n’est pas si loin que tu penses, n’est-ce pas mon bonhomme ? » Et le bohémien de s’en aller sans demander son reste, bien que le payement n’eut pas l’air d’être tout à fait de son goût.

Zincalis. C’est le nom qu’on donne aux bohémiens en Orient. Les auteurs de la Revue Britannique, qui nous ont enrichis de tant de renseignements précieux, ont traduit dans leur recueil, en juin 1841, des fragments étendus d’un livre spécial, composé par Georges Barrow, sur les zincalis. Georges Barrow a passé cinq an­nées en Espagne, distribuant des Bibles. Il déclare

 
Zincalis
Zincalis
 
que les gitanos[1] l’ont toujours secondé dans cette distribution ; mais il ne se dissimule pas qu’il a eu peu de succès, lorsqu’il a tenté de les convertir. On le prenait pour un enfant de la grande famille nomade ; ce titre seul rapprochait les gitanos de lui. Ils lui supposaient quelque dessein dans l’intérêt de leur race : ils le servaient en croyant servir l’intérêt commun, et se livraient à lui comme à un frère. Ayant pu voir de si près ce peuple mystérieux, il a dû surprendre quelques-uns de ses secrets ; il avoue qu’il a toujours eu du penchant pour les zincalis, gypsys, gitanos, bohémiens, comme il vous plaira de les appeler. « Les gypsys, auxquels j’ai communiqué cette sensation, dit-il, n’ont pu l’expliquer qu’en supposant que l’âme, qui anime aujourd’hui mon corps, aurait jadis, dans le laps des siècles, animé un corps de gypsy. Ils croient à la métempsycose, et, comme les sectateurs de Bouddha, ils prétendent que leurs âmes, à force de passer d’un corps dans un autre, acquièrent à la longue une pureté assez grande pour jouir de cet état de parfait repos ou de quiétude, seule idée qu’ils se soient formée du paradis.

» J’ai vécu dans l’intimité avec les gypsys, je les ai vus en divers pays, et je suis arrivé à cette conclusion que partout où ils se trouvent, ce sont toujours les mêmes mœurs et les mêmes coutumes, quoique modifiées par les circonstances ; partout c’est le même langage qu’ils parlent entre eux, avec certaines variantes plus ou moins nombreuses, et enfin partout encore leur physionomie a le même caractère, le même air de famille, et leur teint, plus ou moins brun, suivant la température du climat, est invariablement plus foncé, en Europe du moins, que celui des indigènes des contrées qu’ils habitent, par exemple, en Angleterre et en Russie, en Allemagne et en Espagne.

» Les noms sous lesquels on les désigne diffèrent dans les divers pays. Ainsi on les appelle ziganis en Russie, zingarri en Turquie et en Perse, Zigheuners en Allemagne ; dénominations qui semblent découler de la même étymologie, et qu’on peut, selon toute vraisemblance, supposer être une prononciation locale de zincali, terme par lequel, en beaucoup de lieux, ils se désignent eux-mêmes quelquefois, et qu’on croit signifier les hommes noirs de Zind ou de l’Inde. En Angleterre et en Espagne on les connaît généralement sous le nom de gypsys et de gitanos, d’après la supposition générale qu’ils sont venus d’Égypte ; en France, sous le nom de bohémiens, parce que la Bohême fut le premier pays de l’Europe civilisée où ils parurent, quoiqu’ils eussent antérieurement erré assez longtemps parmi les régions lointaines de la Slavonie, comme le prouve le nombre de mots d’origine slave dont abonde leur langage.

» Mais plus généralement ils se nomment rommany : ce mot est d’origine sanscrite et signifie les maris, ou tout ce qui appartient à l’homme marié, expression peut-être plus applicable que toute autre à une secte ou caste qui n’a d’autre affection que celle de sa race, qui est capable de faire de grands sacrifices pour les siens, mais qui, détestée et méprisée par toutes les autres races, leur rend avec usure haine pour haine, mépris pour mépris, et fait volontiers sa proie du reste de l’espèce humaine.

» On trouve les ziganis dans toutes les parties de la Russie, à l’exception du gouvernement de

  1. C’est le nom qu’on donne en Espagne aux bohémiens.