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la mort du roi. L’histoire a enregistré les instances que fit Catherine pour engager Henri II à ne pas descendre en lice. Le pronostic et le songe engendré par le pronostic se réalisèrent.

» Les mémoires du temps rapportent un autre fait non moins étrange. Le courrier qui annonçait la victoire de Moncontour arriva la nuit, après être venu si rapidement qu’il avait crevé trois chevaux. On éveilla la reine mère, qui dit : Je le savais. En effet, la veille, dit Brantôme, elle avait raconté le triomphe de son fils et quelques circonstances de la bataille. L’astrologue de la maison de Bourbon déclara que le cadet de tant de princes issus de saint Louis, que le fils d’Antoine de Bourbon serait roi de France. Cette prédiction, rapportée par Sully, fut accomplie dans les termes mêmes de l’horoscope, ce qui fit dire à Henri IV qu’à force de mensonges ces gens rencontraient le vrai. Quoi qu’il en soit, si la plupart des têtes fortes de ce temps croyaient à la vaste science appelée magisme par les maîtres de l’astrologie judiciaire et sorcellerie par le public, ils étaient autorisés par le succès des horoscopes. Ce fut pour Cosme Ruggieri, son mathématicien, son astronome, son astrologue, son sorcier, si l’on veut, que Catherine fit élever la colonne adossée à la halle au blé, seul débris qui reste de l’hôtel de Boissons. Cosme Ruggieri possédait, comme les confesseurs, une mystérieuse influence dont il se contentait comme eux ; d’ailleurs, il nourrissait une ambitieuse pensée supérieure à l’ambition vulgaire. Cet homme, que les romanciers ou les dramaturges dépeignent comme un bateleur, possédait la riche abbaye de Saint-Mahé en basse Bretagne, et avait refusé de hautes dignités ecclésiastiques ; l’or, que les pas sions superstitieuses çLe cette époque lui appor taient abondamment, suffisait à sa secrète entre prise, et la main de la reine, étendue sur sa tête, en préservait le moindre cheveu de tout mal[1]. »

Uphir, démon chimiste, très-versé dans la connaissance des simples. Il est responsable aux enfers de la santé de Belzébuth et des grands de sa cour. Les médecins matériels l’ont pris pour leur patron depuis le discrédit d’Esculape.

Upiers. Voy. Vampires.

Urda. Voy. Nornes.

Urgande, bonne fée des temps chevaleresques. Elle avait pour ennemie Mélye la Mauvaise. Voici une de ses aventures : La fée Urgande, qui protégeait si généreusement Amadis, avait donné au jeûne Esplandian, fils de ce héros, une épée enchantée qui devait rompre tous les charmes. Un jour qu’Esplandian et les chevaliers chrétiens se battaient en Galatie, aidés de la fée Urgande, ils aperçurent la fée Mélye, leur ennemie implacable, sous la figure la plus hideuse. Elle était assise à la pointe d’un rocher, d’où elle protégeait les armes dès Sarasins. Esplandian courut à elle pour purger la terre de cette furie (car, bien qu’immortelles de leur nature jusqu’au jugement dernier, les fées n’étaient pas à l’épreuve d’un bon coup d’épée, et pouvaient comme d’autres recevoir la mort, pourvu qu’elle fût violente). Mélye évita le coup en changeant de place avec la plus grande agilité ; et comme elle servit pressée, elle parut s’abîmer dans un antre qui vomit aussitôt des flammes. Urgande reconnut Mélye au portrait que les chevaliers lui en firent ; elle voulut la voir ; elle conduisit donc Esplandian et quelques chevaliers dans une prairie, au bout de laquelle ils trouvèrent Mélye assise sur ses talons et absorbée dans une profonde rêverie. Cette fée possédait un livre magique dont Urgande désirait depuis longtemps la possession. Mélye, apercevant Urgande composa son visage, accueillit la fée, sa rivale, avec aménité, et la fit entrer dans sa grotte. Mais à peine y avait-elle pénétré, que, s’élançant sur elle, la méchante fée la renversa par terre en lui serrant la gorge avec violence. Les chevaliers, les entendant se débattre, entrèrent dans la grotte : le pouvoir des enchantements les fit tomber sans connaissance ; le seul Esplandian, que son épée charmée garantissait de tous les pièges magiques, courut sur Mélye et retira Urgande de ses mains. Au même instant Mélye prit celui de ses livres qui portait le nom de Médée, et forma une conjuration ; le ciel s’obscurcit aussitôt : il sortit d’un nuage noir un chariot attelé de deux dragons qui vomissaient des flammes. Enlevant lestement Urgande, Mélye la plaça dans le chariot et disparut avec elle. Elle l’emmena dans Thésyphante et l’enferma dans une grosse tour, d’où Esplandian parvint à la tirer quelque temps après.

Urine. L’urine a aussi des vertus admirables. Elle guérit la teigne et les ulcères des oreilles, pourvu qu’on la prenne en bonne santé. Elle guérit aussi de la piqûre des serpents, des aspics et autres reptiles venimeux. Il paraît que les sorcières s’en servent pour faire tomber la pluie. Delrio conte que, dans le diocèse de Trèves, un paysan qui plantait des choux dans son jardin avec sa fille, âgée de huit ans, donnait des éloges à cette enfant sur son adresse à s’acquitter de sa petite fonction. « Oh ! répondit l’enfant, j’en sais bien d’autres. Retirez-vous un peu, et je ferai descendre la pluie sur telle partie du jardin que vous désignerez. — Fais, reprend le paysan surpris, je vais me retirer. » Alors la petite fille creuse un trou dans la terre, y répand son urine, la mêle avec la terre, prononce quelques mots, et la pluie tombe par torrents sur le jardin.

« Qui t’a donc appris cela ? s’écrie le paysan étourdi. — C’est ma mère, qui est très-habile dans cette science. » Le paysan effrayé fit monter sa fille et sa femme sur sa charrette, les

  1. M. de Balzac, Le secret des Ruggieri.