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pêchai alors de le retrouver en le changeant en un ver de terre que ma fille emporta. »

» Mon oncle s’aperçut qu’il était dans la compagnie d’un être souterrain qui, dans cette occasion, avait pris la figure humaine. Quand il voulut partir pour continuer sa route, la petite femme insista pour qu’il restât jusqu’au lendemain matin, l’assurant que ce retard ne lui ferait pas perdre une minute, parce que, s’il voulait lui promettre sa vache rousse avec les belles clochettes qu’elle portait à son collier, elle le transporterait chez lui sans qu’il bougeât de place. « Mais, reprit mon oncle, voilà quinze ans que je suis absent, et j’ignore s’il y a chez nous des vaches. — Il y en a sept, mon digne monsieur. — Je ne puis rien vous promettre, puisque s’il y a des vaches, elles ne m’appartiennent pas ; cependant je consens à passer la nuit ici. » Le lendemain, pendant qu’il déjeunait avec la vieille, on entendit le tintement d’une clochette. « Oh ! s’écria mon oncle en se levant de surprise, cette clochette me rappelle les jours de mon enfance ; c’est celle de la vache rousse dont vous parliez hier. — C’est fort possible, car je lui ai ordonné de venir ici ce matin. »

» Le déjeuner fini, mon oncle dit adieu à la vieille ; et en sortant de la cabane, il se trouva tout près du jardin de son père.

» On dit que ces êtres surnaturels n’ont pas le pouvoir de transformer un animal en un autre ; ils peuvent seulement diminuer la taille des animaux, afin de les emporter plus facilement sous terre. Je me contenterai de raconter à ce sujet une histoire à laquelle on ajoute généralement foi en Norvège, et qui même y a donné naissance au proverbe : « Souvenez-vous du bétail de l’évêque de Dronlheim. » On l’emploie souvent pour rappeler qu’il faut veiller attentivement sur ce qu’on possède. En voici l’origine.

» Il y a bien longtemps qu’un jour d’été un évêque de Drontheim envoya ses bestiaux pâturer dans la montagne ; c’étaient les plus beaux de toute la Norvège. À leur départ, le prélat recommanda expressément aux gardiens d’avoir constamment l’œil sur les animaux et de ne pas les perdre de vue, attendu que beaucoup d’êtres souterrains habitaient dans l’intérieur des montagnes de Rœraas. L’injonction de ne pas les perdre de vue se rapportait à la croyance qu’aussi longtemps que les yeux d’un homme sont fixés sur un animal les génies souterrains n’ont aucun pouvoir sur lui. Un jour, pendant que les bestiaux paissaient dans les montagnes, et que les pasteurs, assis dans différents endroits, n’en détournaient pas leurs regards, un élan d’une taille extraordinaire passa. Aussitôt les yeux des trois pasteurs se portèrent du bétail sur l’élan, et se tinrent un moment fixés sur lui ; quand ils retombèrent sur le troupeau, ils aperçurent les bestiaux réduits à la dimension de petites souris. Ces animaux, au nombre de trois cents, descendaient la montagne en courant, et avant que leurs gardiens pussent les atteindre, ils les virent tous entrer par une petite fente dans la terre, où ils disparurent. Ainsi, l’évêque de Drontheim perdit son bétail. »

Southcott (Jeanne), visionnaire anglaise du dernier siècle, qui se fit une secte avec des cérémonies bizarres. De temps à autre on entend encore parler de cette fanatique. Une centaine de sectaires se sont réunis dans un bois, il y a une trentaine d’années, auprès de Sydenham, et ont commencé leur culte superstitieux par le sacrifice d’un petit cochon noir, qu’ils ont brûlé pour répandre ses cendres sur leurs têtes. Ces fous disent et croient que Jeanne Southcott, qu’ils appellent la fille de Sion, est montée au ciel, et qu’elle reviendra avec le Messie. Elle avait annoncé qu’elle accoucherait d’un nouveau Messie ; mais elle est morte sans avoir rempli sa promesse ; ce qui n’empêche pas ses crédules disciples d’attendre sa résurrection, qui sera suivie de l’accouchement tant désiré. Les sectateurs de cette prétendue prophétesse portent, dans leurs processions, des cocardes blanches et des étoles en ruban jaune sur la poitrine. Le ruban jaune est, selon eux, la couleur de Dieu ; leur Messie se nommera le Shelo.

Souvigny. Une tradition populaire attribue aux fées la construction de l’église de Souvigny. Au milieu de la délicieuse vallée qu’arrose la petite rivière appelée la Queune, une laitière vit surgir cette église d’un brouillard du matin, avec ses aiguilles dentelées, ses galeries festonnées, et son portail à jour, à une place où la veille encore s’élevaient de beaux arbres et coulait une fontaine. Frappée de stupeur, la pauvre femme devint pierre ; on montre encore sa tête placée à l’angle d’une des tours. Il y a bien, en effet, quelque chose de féerique dans l’église de Souvigny. Un jour qu’il allait s’y livrer à ses études, M. Achille Allier y découvrit un curieux support de nervure ogivique ; c’était une femme d’une délicatesse de formes presque grecque, qui se tordait et jouait avec une chimère ; il lui sembla voir l’intelligence de l’artiste créateur de ce temple fantastique aux prises avec son caprice[1].

Sovas-Munusins (empoisonneurs et suceurs de sang), espèce de vampires, chez les Quojas ; esprits ou revenants qui se plaisent à sucer le sang des hommes ou des animaux. Ce sont les broucolaques de l’Afrique.

Spectres, sorte de substance sans corps, qui se présente sensiblement aux hommes, contre l’ordre de la nature, et leur cause des frayeurs. La croyance aux spectres et aux revenants, aussi ancienne que les sociétés d’hommes, est une preuve de l’immortalité de l’âme, et en même

  1. Jules Duvernay, Excursion d’artiste en 1841.