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rôle. Un charmeur sarasin avait enfermé deux démons dans les corps d’une jument et de son poulain, leur donnant pour instruction que chaque fois que la jument hennirait, le poulain, qui était d’une taille peu commune, devrait s’agenouiller pour teter sa mère. Le poulain maléficié fut envoyé au roi Richard, dans l’espoir qu’il obéirait au signal accoutumé, et que le Soudan, monté sur la mère, aurait ainsi l’avantage. Mais le monarque anglais fut averti par un songe du piège qu’on lui tendait, et avant le combat le poulain fut exorcisé, avec ordre de rester docile à la voix de son cavalier durant le choc. L’animal endiablé promit soumission en baissant la tête ; et cette promesse n’inspirant pas assez de confiance, on lui boucha encore les oreilles avec de la cire. Ces précautions prises, Richard, armé de toutes pièces, courut à la rencontre de Saladin, qui, se confiant dans son stratagème, l’attendit de pied ferme. La cavale hennit de manière à faire trembler la terre à plusieurs milles à la ronde ; mais le poulain ou démon, que la cire empêchait d’entendre le signal, n’y put obéir. Saladin, désarçonné, n’échappa que difficilement à la mort, et son armée fut taillée en pièces par les chrétiens.

Salamandres. Selon les cabalistes, ce sont des esprits élémentaires, composés des plus subtiles parties du feu, qu’ils habitent. « Les salamandres, habitants enflammés de la région du feu, servent les sages, dit l’abbé de Villars ; mais ils ne cherchent pas leur compagnie : leurs filles et leurs femmes se font voir rarement. De tous les êtres élémentaires, les salamandres sont ceux qui vivent le plus longtemps. » Les historiens disent que Romulus était fils de Mars. Les esprits forts ajoutent : c’est une fable ; les démonomanes disent : il était fils d’un incube. Nous qui connaissons la nature, poursuit le même auteur, nous savons que ce Mars prétendu était un salamandre. Voy. Cabale.

Il y a un animal amphibie, du genre des lézards, qu’on nomme la salamandre. Sa peau est noire, parsemée de taches jaunes, sans écailles et presque toujours enduite d’une matière visqueuse qui en suinte continuellement. La salamandre ressemble, pour la forme, à un lézard. Les anciens croyaient que cet animal vivait dans le feu. « La salamandre loge dans la terre, dit Bergerac, qui est toujours farceur, sous des montagnes de bitume allumé, comme l’Etna, le Vésuve et le cap Rouge. Elle sue de l’huile bouillante et crache de l’eau-forte, quand elle s’échauffe ou qu’elle se bat. Avec le corps de cet animal, on n’a que faire de feu dans une cuisine. Pendu à la crémaillère, il fait bouillir et rôtir tout ce que l’on met devant la cheminée. Ses yeux éclairent la nuit comme de petits soleils ; et, placés dans une chambre obscure, ils y font l’effet d’une lampe perpétuelle… »

Salgues (Jean-Baptiste), auteur d’un livre intitulé Des erreurs et des préjugés répandus dans les diverses classes de la société, 3 vol. in-8o, 3e édit., Paris, 1818. Une quatrième édition a paru depuis ; mais ce livre a maintenant peu de lecteurs.

Salière. Le sel, chez les anciens, était consacré à la sagesse ; aussi n’oubliait-on jamais la salière dans les repas. Si l’on ne songeait pas à la servir, cet oubli était regardé comme un mauvais présage.

Il était aussi regardé comme le symbole de l’amitié ; les amis avaient coutume de s’en servir au commencement des repas, et si quelqu’un en répandait, c’était le signe de quelque brouillerie future. Aujourd’hui c’est encore un mauvais augure pour les personnes superstitieuses, lorsque les salières se renversent sur la table.

Le maréchal de Montrevel, étant à table chez le père du maréchal de Biron, vit renverser une salière sur son habit. Il en fut si effrayé, qu’il s’écria à l’instant : « Je suis un homme mort ! » En effet, il tomba en faiblesse ; on l’emporta chez lui ; la fièvre le prit, et il mourut au bout de quatre jours (1718). Cet événement fortifia la superstition des gens qui sont aussi sots. Voy. Sel.

Salisateurs, devins du moyen âge qui formaient leurs prédictions sur le mouvement du premier membre de leur corps qui venait à se remuer, et en tiraient de bons ou mauvais présages.

Salive. Pline le naturaliste rapporte, comme un ancien usage, celui de porter avec le doigt un peu de salive derrière l’oreille, pour bannir les soucis et les inquiétudes. Mais ce n’est pas là toute la vertu de la salive ; elle tue les aspics et les serpents, les vipères et les autres reptiles venimeux. Albert le Grand dit qu’il faut qu’elle soit d’un homme à jeun et qui ait demeuré longtemps sans boire. Figuier assure qu’il a tué plusieurs serpents d’un petit coup de bâton mouillé de sa salive. M. Salgues ajoute qu’il est possible de tuer les vipères avec un peu de salive, mais qu’il est à propos que le coup de bâton qui l’accompagne soit suffisant. Ce qui est certain, c’est que Redi a voulu vérifier les témoignages d’Aristote, de Galien, de Lucrèce, etc. Il s’est amusé à cracher, à jeun, sur une multitude de vipères que le grand-duc de Toscane avait fait rassembler ; mais, à la grande confusion de l’antiquité, les vipères ne sont pas mortes. Voy. Crachat.

Salomon. Les philosophes, les botanistes, les devins et les astrologues orientaux regardent Salomon ou Soliman comme leur patron. Selon eux, Dieu, lui ayant donné sa sagesse, lui avait communiqué en même temps toutes les connaissances naturelles et surnaturelles ; et entre ces dernières, la science la plus sublime et la plus utile, celle d’évoquer les esprits et les génies, et