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que nous devions ressusciter, et sans attendre ni gloire ni supplice. Ils avaient un soin extraordinaire de mettre en lieu de sûreté les rognures de leurs ongles et de leurs cheveux, et de les cacher dans les fentes ou dans les trous de muraille. Si, par hasard, ces cheveux et ces ongles venaient à tomber à terre avec le temps, et qu’un Indien s’en aperçût, il ne manquait pas de les relever de suite et de les serrer de nouveau. — Savez-vous bien, disaient-ils à ceux qui les questionnaient sur cette singularité, que nous devons revivre dans ce monde, et que les âmes sortiront des tombeaux avec tout ce qu’elles auront de leurs corps ? Pour empêcher donc que les nôtres ne soient en peine de chercher leurs ongles et leurs cheveux (car il y aura ce jour-là bien de la presse et du tumulte), nous les mettons ici ensemble, afin qu’on les trouve plus facilement.

Gaguin, dans sa description de la Moscovie, dit que, dans le nord de la Russie, les peuples meurent le 27 novembre, à cause du grand froid, et ressuscitent le 24 avril : ce qui est, à l’instar des marmottes, une manière commode de passer l’hiver. Voy. Gabinius, Pamilius de Phères, Thespésius, Vampires, etc.

Retz ou Raiz (Gilles de Laval de), maréchal de France qui fut convaincu de forfaits monstrueux au quinzième siècle. Pour d’affreux débordements il s’était vendu au diable, qu’il voulait servir en égorgeant des enfants et se souillant des plus odieuses infamies. Il était dirigé par un escroc italien nommé Prélati, qui se disait magicien et qui disparut après l’avoir volé.

Le diable ne répondit pas aux espérances du maréchal de Retz ; et il fut condamné à mort. Comme le président Pierre de l’Hôpital le pressait de dire par quel motif il avait fait périr tant d’innocents, et brûlé ensuite leurs corps ; le maréchal impatienté lui dit : — Hélas ! monseigneur, vous vous tourmentez, et moi avec ; je vous en ai dit assez pour faire mourir dix mille hommes. Le lendemain, le maréchal en audience publique réitéra ses aveux. Il fut condamné à être brûlé vif, le 25 octobre 1440. L’arrêt fut exécuté dans le pré de la Madeleine, près de Nantes[1].

Retz. Le cardinal de Retz, n’étant encore qu’abbé, avait fait la partie de passer une soirée à Saint-Cloud, dans la maison de l’archevêque de Paris, son oncle, avec madame et mademoiselle de Vendôme, madame de Ghoisy, le vicomte de Turenne, l’évêque de Lisieux, et MM. Brion et Voiture. On s’amusa tant, que la compagnie ne put s’en retourner que très-tard à Paris. La petite pointe du jour commençait à paraître (on était alors dans les plus grands jours d’été) quand on fut au bas de la descente des Bons-Hommes. Justement au pied, le carrosse s’arrêta tout bourt. « Comme j’étais à l’une des portières avec mademoiselle de Vendôme, dit le cardinal dans ses Mémoires, je demandai au cocher pourquoi il s’arrêtait ? Il me répondit, avec une voix tremblante : — Voulez-vous que je passe par-dessus tous les diables qui sont là devant moi ? Je mis la tête hors de la portière, et, comme j’ai toujours eu la vue fort basse, je ne vis rien. Madame de Ghoisy, qui était à l’autre portière avec M. de Turenne, fut la première qui aperçut du carrosse la cause de la frayeur du cocher ; je dis du carrosse, car cinq ou six laquais, qui étaient derrière, criaient : Jesus, Maria ! et tremblaient déjà de peur. M. de Turenne se jeta en bas aux cris de madame de Choisy. Je crus que c’étaient des voleurs : je sautai aussitôt hors du carrosse ; je pris l’épée d’un laquais et j’allai joindre M. de Turenne, que je trouvai regardant fixement quelque chose que je ne voyais point. Je lui demandai ce qu’il regardait, et il me répondit, en me poussant du bras et assez bas : — Je vous le dirai ; mais il ne faut pas épouvanter ces dames, qui, à la vérité, hurlaient plutôt qu’elles ne criaient. Voiture commença un oremus ; madame de Ghoisy poussait des cris aigus ; mademoiselle de Vendôme disait son chapelet ; madame de Vendôme voulait se confesser à M. de Lisieux, qui lui disait : — Ma fille, n’ayez point de peur, vous êtes en la main de Dieu. Le comte de Brion avait entonné bien tristement les litanies de la sainte Vierge. Tout cela se passa, comme on peut se l’imaginer, en même temps et en moins de rien. M. de Turenne, qui avait une petite épée à son côté, l’avait aussi tirée, et, après avoir un peu regardé, comme je l’ai déjà dit, il se tourna vers moi de l’air dont il eût donné une bataille, et me dit ces paroles : — Allons voir ces gens-là ! — Quelles gens ? lui repartis-je ; — et dans la vérité, je croyais que tout le monde avait perdu le sens. Il me répondit : — Effectivement je crois que ce pourraient bien être des diables. Comme nous avions déjà fait cinq ou six pas du côté de la Savonnerie, et que nous étions par conséquent plus proches du spectacle, je commençai à entrevoir quelque chose, et ce qui m’en parut fut une longue procession de fantômes noirs, qui me donna d’abord plus d’émotion qu’elle n’en avait donné à M. de Turenne, mais qui, par la réflexion que je fis que j’avais longtemps cherché des esprits, et qu’apparemment j’en trouverais en ce lieu, me fit faire deux ou trois sauts vers la procession. Les pauvres auguslins déchaussés, que l’on appelle capucins noirs et qui étaient nos prétendus diables, voyant venir à eux deux hommes qui avaient l’épée à la main, eurent encore plus peur. L’un d’eux, se détachant de la troupe, nous cria : — Messieurs, nous sommes de pauvres religieux, qui ne faisons de mal à personne, et qui venons nous rafraîchir un peu dans la rivière pour notre santé. Nous retournâmes au carrosse,

  1. M. Garinet, Histoire de la magie en France. Voyez l’histoire du maréchal de Retz dans les Légendes infernales.