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de la sirène ; mais, craignant les tromperies de quelque fée malicieuse, elle n’osa pas donner le philtre à son enfant avant d’en avoir fait l’expérience. Elle commença donc par en faire boire une partie à son chat. Quelques jours après, comme elle se promenait encore au bord de la mer, elle revit la sirène, qui lui dit : « Vous avez manqué de foi, malheur à vous, car vous serez la cause de grandes infortunes. » Puis elle disparut sous les flots.

La prédiction ne tarda pas à s’accomplir. Le chat et l’enfant de la pauvre femme ressentirent bientôt, mais d’une façon différente, les effets du mystérieux breuvage. Rannou devint si fort et si robuste qu’à l’âge de huit ans il jouait au palet avec des meules de moulin. Le chat, de son côté acquit une intelligence surhumaine ; mais comme ces animaux, qui hantent les sabbats, sont d’une nature méchante et infernale, il ne se servit de son esprit que pour faire du mal. La chose en vint au point que la population du canton se souleva en masse pour le tuer.

Quant à Rannou, il resta tellement dépourvu de toute intelligence, qu’il ne savait pas faire usage de sa force prodigieuse. Par désœuvrement il arrachait les vergers et abattait les maisons sans penser à mal. Il tua même sa mère, avec laquelle il voulait plaisanter, et qu’il s’amusait à lancer en l’air comme un jouet. On forma aussi une ligue contre lui, et une mort malheureuse mit fin à cette existence funeste.

Que d’existences manquées ainsi parce que l’on a négligé quelques gouttes du breuvage de la sirène, c’est-à-dire de la religion !

Raollet (Jacques), loup-garou de la paroisse de Maumusson, près de Nantes, qui fut arrêté et condamné à mort par le parlement d’Angers. Durant son interrogatoire, il demanda à un gentilhomme qui était présent s’il ne se souvenait pas d’avoir tiré de son arquebuse sur trois loups ; celui-ci ayant répondu affirmativement, il avoua qu’il était l’un des trois loups, et que, sans l’obstacle qu’il avait eu en cette occasion, il aurait dévoré une femme qui était près du lieu. Rickius dit que, lorsque Raollet fut pris, il avait les cheveux flottants sur les épaules, les yeux enfoncés dans la tête, les sourcils refrognés, les ongles extrêmement longs ; qu’il puait tellement qu’on ne pouvait l’approcher. Quand il se vit condamner par la cour d’Angers, il ajouta à ses aveux qu’il avait mangé des charrettes ferrées, des moulins à vent, des avocats, procureurs et sergents, disant que cette dernière viande était tellement dure et assaisonnée qu’il n’avait pu la digérer[1]

Rat. Pline dit que, de son temps, la rencontre d’un rat blanc était de bon augure. Les boucliers de Lavinium rongés par les rats présagèrent un événement funeste, et la guerre des Marses, qui survint bientôt après, donna un nouveau crédit à cette superstition. Le voile de Proserpine était parsemé de rats brodés.

 
Rat
Rat
 

Les peuples de Bassora et de Cambaie se feraient un cas de conscience de nuire à ces animaux, qu’ils révèrent.

Les matelots donnent aux rats une prescience remarquable. « Nous sommes condamnés, disent-ils, à un calme plat ou à quelque autre accident ; il n’y a pas un seul rat à bord… » Ils croient que les rats abandonnent un bâtiment qui est destiné à périr. Voy. Hatton, Poppiel, Sifflet magique.

« Les Indiens jadis menaient un grand deuil lorsqu’ils avaient immolé par mégarde quelques rats musqués, la femelle du rat musqué étant, comme chacun sait, la mère du genre humain. Les Chinois, meilleurs observateurs, tiennent pour certain que le rat se change en caille et la taupe en loriot[2]. »

Raum, grand comte du sombre empire ; il se présente sous la forme d’un corbeau lorsqu’il est conjuré. Il détruit des villes, donne des dignités. Il est de l’ordre des Trônes et commande trente légions[3].

Réalisme, la plus aplatie de toutes les philosophies exposées par les songe-creux. Selon cette doctrine, tout s’est créé soi-même, comme l’établit M. Michelet dans son livre de La Mer, et tout est une portion de Dieu, un chou, un navet, un cloporte, aussi bien que M. Comte, M. Michelet lui-même et M. Süe.

Red-cap, lutin écossais. Voy. Puck.

Regard. Voy. Yeux.

Regensberg. Voy. Démons familiers.

Regiomontanus. Voy. Muller.

Reid (Thomas), Écossais qui eut commerce assez long avec les fées[4].

Reine Guétet, dite la Possédée de Riel-les-Eaux. M. Roze des Ordons a publié dans les journaux, en 1853, de curieux détails sur cette femme, connue dans la Côte-d’Or sous le nom de la Possédée de Riel-les-Eaux (dans l’arrondissement de Châtillon-sur-Seine). Se trouvant à ce village, le 8 mai 1853, qui était un dimanche, comme on lui disait que le démon ne tourmentait la pauvre Reine que le dimanche ou les jours de fête, il eut le désir de la voir, quoiqu’on lui attestât que, sous la possession de son démon,

  1. Rickius, Discours de la lycanthropie, p. 18.
  2. Chateaubriand, Mémoires, t. II.
  3. Wierus, in Pseudom. dæm.
  4. Voyez les Légendes des esprits et démons.