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en même temps fossoyeur ; cette dispute avait produit une haine si vive, que Languille avait signifié au bedeau qu’il ne mourrait jamais que par lui ; de sorte que le pauvre bedeau, effrayé, l’évitait comme un ennemi formidable. Peu de temps après, Languille mourut, âgé de soixante-quinze ans. Il logeait dans une espèce de chambre haute, où l’on montait par un escalier étroit et très-roide. Quand il fut question de l’enterrer, le bedeau, bien joyeux, alla le chercher et chargea sur ses épaules la bière dans laquelle était le corps de Languille, qui était devenu assez gros. Mais, en le descendant d’un air triomphal, il fit un faux pas, glissa en avant ; la bière, tombant sur lui, l’écrasa. Ainsi s’accomplit la menace de Languille, autrement sans doute qu’il ne l’avait entendu.

On avait prédit à un duc de Choiseul qu’il périrait dans une sédition. On a prétendu que cette prédiction s’était accomplie, quoique le duc soit mort de maladie, parce qu’il expira dans le moment où douze médecins, rassemblés pour une consultation à son sujet, se battaient à propos des moyens divers proposés pour le guérir.

Alvaro de Luna, favori de Jean II, roi de Castille, fut mis à mort pour avoir gouverné l’État en despote. Après avoir consulté un astrologue sur sa destinée, il lui avait été répondu qu’il eût à se garder de Cadahalso. Il crut que c’était d’un village près de Tolède, qui portait ce nom ; il s’abstint d’y aller. Mais ayant été condamné à perdre la tête sur un échafaud, que les Espagnols appellent aussi cadahalso, on dit qu’il s’était trompé sur le sens du mot.

En 1382, un astrologue anglais fit crier par la ville de Londres que la veille de l’Ascension personne ne sortît de sa maison sans avoir dit cinq fois le Pater noster, et sans avoir déjeuné, à cause du brouillard pestilentiel qui arriverait ce jour-là ; parce que ceux qui ne le feraient pas mourraient infailliblement. Plusieurs, se fiant à cette prédiction, firent ce que l’astrologue avait prescrit ; mais, comme on reconnut après qu’il avait trompé le peuple, on le mit sur un cheval à reculons, tenant la queue en place de bride, avec deux marmites au cou, et on le promena ainsi par toute la ville.

Wecker, dans les Secrets merveilleux, donne ce procédé comme infaillible pour prédire l’avenir :

Qu’on brûle de la graine de lin, des racines de persil et de violette ; qu’on se mette dans cette fumée, on prédira les choses futures. Voy. Astrologie, Prophéties, Bohémiens, etc.

Préjugé. Manière banale, absurde ou irréfléchie d’apprécier les choses. Les sujets du Grand Mogol sont dans l’usage de peser leur prince tous les ans, et c’est toujours en raison de ce qu’il pèse qu’ils l’estiment valoir plus ou moins.

Prélati, charlatan de magie. Voy. Raiz.

Présages. Cette faiblesse, qui consiste à regarder comme des indices de l’avenir les événements les plus simples et les plus naturels, est l’une des branches les plus considérables de la superstition. Il est à remarquer qu’on distinguait autrefois les présages des augures, en ce que ceux-ci s’entendaient des augures recherchés ou interprétés selon les règles de l’art augurai, et que les présages qui s’offraient fortuitement étaient interprétés par chaque particulier d’une manière plus vague et plus arbitraire. De nos jours on regarde comme d’un très-mauvais augure de déchirer trois fois ses manchettes, de trouver sur une table des couteaux en croix, d’y voir des salières renversées, etc. Quand nous rencontrons en chemin quelqu’un qui nous demande où nous allons, il faut, selon les enseignements superstitieux, retourner sur nos pas, de peur que mal ne nous arrive. Si une personne à jeun raconte un mauvais songe à une personne qui ait déjeuné, le songe sera funeste à la première. Il sera funeste à la seconde, si elle est à jeun, et que la première ait déjeuné. Il sera funeste à toutes les deux, si toutes les deux sont à jeun. Il serait sans conséquence si toutes les deux avait l’estomac garni… Malheureux généralement qui rencontre le matin, ou un lièvre, ou un serpent, ou un lézard, ou un cerf, ou un chevreuil, ou un sanglier ! Heureux qui rencontre un loup, une cigale, une chèvre, un crapaud ! Voy. Araignée, Chasse, Pie, Hibou, etc., etc., etc. Cécilia, femme de Métellus, consultait les dieux sur l’établissement de sa nièce, qui était nubile. Cette jeune fille, lasse de se tenir debout devant l’autel sans recevoir de réponse, pria sa tante de lui prêter la moitié de son siège. « De bon cœur, lui dit Cécilia, je vous cède ma place tout entière. » Sa bonté lui inspira ces mots, qui furent pourtant, dit Valère-Maxime, un présage de ce qui devait arriver ; car Cécilia mourut quelque temps après, et Métellus épousa sa nièce. Lorsque Paul-Émile faisait la guère au roi Persée, il lui arriva quelque chose de remarquable. Un jour, rentrant à sa maison, il embrassa, selon sa coutume, la plus jeune de ses filles, nommée Tertia, et la voyant plus triste qu’à l’ordinaire, il lui demanda le sujet de son chagrin. Cette petite fille lui répondit que Persée était mort (un petit chien que l’enfant nommait ainsi venait de mourir). Paul saisit le présage ; et en effet, peu de temps après, il vainquit le roi Persée, et entra triomphant dans Rome[1].

Un peu avant l’invasion des Espagnols au Mexique, on prit au lac de Mexico un oiseau de la forme d’une grue, qu’on porta à l’empereur Montézuma, comme une chose prodigieuse » Cet oiseau, dit le conte, avait au haut de la tête une espèce de miroir où Montézuma vit les cieux parsemés d’étoiles, de quoi il s’étonna grande-

  1. Valère-Maxime.