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mille francs à ce brave homme que le ciel lui a envoyé. Le jeune traitant ne se le lit pas dire trois fois ; il compta les six mille francs au ventriloque, qui alla boire et rire à ses dépens.

Pierre le Vénérable, savant abbé de Cluny, mort en 1156. Il a laissé un livre de miracles qui contient plusieurs légendes où les démons ne jouent pas le beau rôle.

Pierres d’anathème. « Non loin de Patras, je vis des tas de pierres au milieu d’un champ ; j’appris que c’était ce que les Grecs appellent pierres d’anathème, espèce de trophées qu’ils élèvent à la barbarie de leurs oppresseurs. En dévouant leurs tyrans aux génies infernaux, ils les maudissent dans leurs ancêtres, dans leur âme et dans leurs enfants ; car tel est le formulaire de leurs imprécations. Ils se rendent dans le champ qu’ils veulent vouer à l’anathème, et chacun jette sur le même coin de terre la pierre de réprobation. Les passants ne manquant pas dans la suite d’y joindre leur suffrage, il s’élève bientôt dans le lieu voué à la malédiction un tas de pierres assez semblable aux monceaux de cailloux qu’on rencontre sur le bord de nos grandes routes, ce qui du reste nettoie les champs[1]. »

Pigeons. C’est une opinion accréditée dans le peuple que le pigeon n’a point de fiel. Cependant Aristote et de nos jours l’anatomie ont prouvé qu’il en avait un, sans compter que la fiente de cet oiseau contient un sel inflammable qui ne peut exister sans le fiel. On conte que le crâne d’un homme caché dans un colombier y attire tous les pigeons des environs.

Le maréchal de Mouchy prétendait que la chair du pigeon a une vertu consolante. Lorsque ce seigneur avait perdu un ami, un parent, il disait à son cuisinier : « Vous me servirez à dîner des pigeons rôtis. J’ai remarqué, ajoutait-il, qu’après avoir mangé deux pigeons, je me lève de table beaucoup moins chagrin. »

Pij, nom que les Siamois donnent aux lieux où les âmes des coupables sont punies ; elles y doivent renaître avant de revenir en ce monde.

Pilal-Karras, exorcistes ou devins du Malabar, aux conjurations desquels les pêcheurs de perles ont recours pour se mettre à l’abri des attaques du requin, lorsqu’ils plongent dans la mer. Ces conjurateurs se tiennent sur la côte, marmottent continuellement des prières et font mille contorsions bizarres.

Pilapiens, peuples qui habitent une presqu’île sur les bords de la mer Glaciale, et qui boivent, mangent et conversent familièrement avec les ombres. On allait autrefois les consulter. Leloyer rapporte que, quand un étranger voulait savoir des nouvelles de son pays, il s’adressait à un Pilapien, qui tombait aussitôt en extase et invoquait le diable, lequel lui révélait les choses cachées.

Pilate (Mont), montagne de Suisse, au sommet de laquelle est un lac ou un étang célèbre dans les légendes. On disait que Pilate s’y était jeté, que les diables y paraissaient souvent, que Pilate, en robe de juge, s’y faisait voir tous les ans une fois, et que celui qui avait le malheur d’avoir cette vision mourait dans l’année. De plus, il passait pour certain que, quand on lançait quelque chose dans ce lac, cette imprudence excitait des tempêtes terribles qui causaient de grands ravages dans le pays ; en sorte que, même au seizième siècle, on ne pouvait monter sur cette montagne, ni aller voir ce lac, sans une permission expresse du magistrat de Lucerne, et il était défendu, sous de fortes peines, d’y rien jeter. La même tradition se rattache au lac de Pilate, voisin de Vienne en Dauphiné[2].

Piletski, puissante famille polonaise, dont les filles, après leur mort, se changeaient en colombes si elles n’étaient pas mariées ; et, si elles étaient mariées, en papillons de nuit. Elles al-


laient, sous ces formes, annoncer leur mort à tous leurs parents. C’est une de ces traditions qu’il suffit de mentionner et qui est probablement l’œuvre de quelque poëte légendaire.

Pinet. Pic de la Mirandole parle d’un sorcier nommé Pinet, lequel eut commerce trente ans avec le démon Fiorina[3].

Pipi (Marie), sorcière qui sert d’échanson au sabbat ; elle verse à boire dans le repas non seulement au roi de l’enfer, mais encore à ses officiers et à ses disciples, qui sont les sorciers et magiciens 3[4],

Piqueur. À Marsanne, village du Dauphiné, près de Montélimart, on entend toutes les nuits, vers les onze heures, un bruit singulier que les gens du pays appellent le piqueur : il semble, en effet, que l’on donne plusieurs coups sous terre[5]. M. Berbiguier, dans son tome III des Farfadets, nous apprend qu’en 1821 les piqueurs qui piquaient les femmes dans les rues de Paris n’étaient

  1. M. Mangeart, Souvenirs de la Morèe, 1830.
  2. Voyez, dans les Légendes du Nouveau Testament, les légendes de Pilate.
  3. Leloyer, Histoire des spectres ou apparitions des esprits, liv. III, p. 215.
  4. Delancre, Tableau de l’inconst. des démons, etc., liv. II, p. 143.
  5. Bibliothèque de société, t. III.