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pour ces belles histoires, il parait prouvé que Pierre d’Apone était une sorte de pauvre esprit fort qui ne croyait pas au diable, du reste homme de mauvais renom. Les amateurs de livres superstitieux recherchent sa Géomancie[1]. Mais ne lui attribuons pas un petit livre qu’on met sur son compte et dont voici le titre : les Œuvres magiques de Henri-Corneille Agrippa, par Pierre d’Alan, latin et français, avec des secrets occultes, in-24, réimprimé à Liège, 1788. On dit dans ce livre que Pierre d’Aban était disciple d’Agrippa, qui vécut trois siècles après lui…

La partie principale est intitulée Heptamêron ou les Eléments magiques. On y trouve les sûrs moyens d’évoquer les esprits et de faire venir le diable. Pour cela, il faut tracer trois cercles l’un dans l’autre, dont le plus grand ait neuf pieds de circonférence, et se tenir dans le plus petit, où l’on écrit le nom des anges qui président à l’heure, au jour, au mois, à la saison, etc.

Voici les anges qui président aux heures. Notez que les heures sont indiquées ici dans la langue infernale. Yayn ou première heure, l’ange Michaël ; Ianor ou deuxième heure, Anaël ; Nasnia ou troisième heure, Raphaël ; Salla ou quatrième heure, Gabriel ; Sadedali ou cinquième heure, Cassiel ; Thamus ou sixième heure, Sachiel ; Ourer ou septième heure, Samaël ; Thanir ou huitième heure, Araël ; Néron ou neuvième heure, Gambie] ; Jaya ou dixième heure, Uriel ; Abaï ou onzième heure, Azaël ; Natalon ou douzième heure, Sambaël. — Les anges du printemps, cabalistiquement nommés Talvi, sont Spugliguel, Caracasa, Commissoros et Amatiel ; le nom de la terre est alors Amadaï, le nom du soleil Abraïm, celui de la lune Agusita. Les anges de l’été, nommés Gasmaran, sont Tubiel, Gargatiel, Tariel et Gaviel. La terre s’appelle alors Festativi, le soleil Athéma’ï, et la lune Armatas. Les anges de l’automne, qui se nommera Ardaraël, sont Torquaret, Tarquam et Guabarel. La terre s’appelle Rahimara, le soleil Abragini, la lune Matafignaïs. Les anges de l’hiver, appelés Fallas, sont Altarib, Amabaël, Grarari. La terre se nomme Gérénia, le soleil Commutât et la lune Affaterim. Pour les anges des mois et des jours, voy. Mois et Jours.

Après avoir écrit tous les noms dans le cercle, mettez les parfums dans un vase de terre neuf, et dites : « Je t’exorcise, parfum, pour que tout fantôme nuisible s’éloigne de moi. » Ayez une feuille de parchemin vierge sur laquelle vous écrirez des croix ; puis appelez des quatre coins du monde les anges qui président à l’air, les sommant de vous aider sur-le-champ, et dites : « Nous t’exorcisons par la mer flottante et transparente, par les quatre divins animaux qui vont et viennent devant le trône de la divine Majesté ; nous t’exorcisons ; et si tu ne parais pas aussitôt ici, devant ce cercle, pour nous obéir en toutes choses, nous te maudissons et te privons de tout office, bien et joie ; nous te condamnons à brûler sans aucun relâche dans l’étang de feu et de soufre, etc. » Cela dit, on verra plusieurs fantômes qui rempliront l’air de clameurs. On ne s’en épouvantera point, et on aura soin surtout de ne point sortir du cercle. On apercevra des spectres qui paraîtront menaçants et armés de flèches ; mais ils n’auront pas puissance de nuire. On soufflera ensuite vers les quatre parties du monde et on dira : « Pourquoi tardez-vous ? soumettez-vous à votre maître. » Alors paraîtra l’esprit en belle forme qui dira : « Ordonnez et demandez, me voici prêt à vous obéir en toutes choses. » Vous lui demanderez ce que vous voudrez, il vous satisfera, et après que vous n’aurez plus besoin de lui, vous le renverrez en disant : « Allez en paix chez vous, et soyez prêt à venir quand je vous appellerai. » Voilà ce que présentent de plus curieux les Œuvres magiques. Et le lecteur qui s’y fiera sera du moins mystifié[2].

Pierre Labourant, nom que des sorciers donnèrent au diable du sabbat. Jeanne Garibaut, sorcière, déclara que Pierre Labourant porte une chaîne de fer qu’il ronge continuellement, qu’il habite une chambre enflammée où se trouvent des chaudières dans lesquelles on fait cuire des personnes, pendant que d’autres rôtissent sur de larges chenets, etc.

Pierre le Brabançon, charlatan, né dans les Pays-Bas. M. Salgues rapporte de lui le fait suivant. Étant devenu épris d’une Parisienne, riche héritière, le Brabançon contrefit aussitôt la voix du père défunt et lui fit pousser, du fond de sa tombe, de longs gémissements ; le mort se plaignit des maux qu’il endurait au purgatoire, et reprocha à sa femme le refus qu’elle faisait de donner sa fille à un si galant homme. La femme, effrayée, n’hésita plus : le Brabançon obtint la main de la demoiselle, mangea la dot, s’évada de Paris et courut se réfugier à Lyon. Un gros financier venait d’y mourir, et son fils se trouvait possesseur d’une fortune opulente. Le Brabançon va le trouver, lie connaissance avec lui, et le mène dans un lieu couvert et silencieux ; là, il fait entendre la voix plaintive du père, qui se reproche les malversations qu’il a commises dans ce monde, et conjure son fils de les expier par des prières et des aumônes ; il l’exhorte d’un ton pressant et pathétique à donner six mille francs au Brabançon pour racheter des captifs. Le fils hésite et remet l’affaire au lendemain. Mais le lendemain la même voix se fait entendre, et le père déclare nettement à son fils qu’il sera damné lui-même s’il tarde davantage à donner les six

  1. Geomantia, in-8o, Venise, 1549.
  2. Des erreurs et des préjugés, t. I, p. 315.