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Il y a de vilaines histoires sur le compte des araignées. N’oublions pourtant pas que, dans son cachot, Pellisson en avaitapprivoisé une que Delille a célébrée. Mais la tarentule est aussi une araignée. Le maréchal de Saxe, traversant un village, coucha dans une auberge infestée, disait-on, de revenants qui étouffaient les voyageurs. On citait des exemples. Il ordonna à son domestique de veiller la moitié de la nuit, promettant de lui céder ensuite son lit et de faire alors sentinelle à sa place. À deux heures du matin, rien n’avait encore paru. Le domestique, sentant ses yeux s’appesantir, va éveiller son maître, qui ne répond point ; il le croit assoupi et le secoue inutilement. Effrayé, il prend la lumière, ouvre les draps, et voit le maréchal baigné dans son sang. Une araignée monstrueuse lui suçait le sein gauche. Il court prendre des pincettes pour combattre cet ennemi d’un nouveau genre, saisit l’araignée et la jette au feu. Ce ne fut qu’après un long assoupissement que le maréchal reprit ses sens ; et depuis lors on n’entendit plus parler de revenant dans l’auberge. — Nous ne garantissons pourtant pas cette anecdote ; mais elle est conservée dans plusieurs recueils.

Au reste l’araignée a de quoi se consoler de notre horreur et de nos mépris. Les nègres de la côte d’Or attribuent la création de l’homme à une grosse araignée qu’ils nomment Anansiè, et ils révèrent les plus belles araignées comme des divinités puissantes.

Arbres. On sait que dans l’antiquité les arbres étaient consacrés aux dieux : le cyprès à Pluton, etc. Plusieurs arbres et plantes sont encore dévoués aux esprits de l’enfer : le poirier sauvage, l’églantier, le figuier, la verveine, la fougère, etc.

Des arbres ont parlé. Chez les anciens, dans les forêts sacrées, on a entendu des arbres gémir. Les oracles de Dodone étaient des chênes qui parlaient. Voy. Dodone.

On entendit, dans une forêt d’Angleterre, un arbre qui poussait des gémissements ; on le disait enchanté. Le propriétaire du terrain tira beaucoup d’argent de tous les curieux qui venaient voir une chose aussi merveilleuse. À la fin, quelqu’un proposa de couper l’arbre ; le maître du terrain s’y opposa, non par un motif d’intérêt’propre, disait-il, mais de peur que celui qui oserait y mettre la cognée n’en mourût subitement ; on trouva un homme qui n’avait pas peur de la mort subite, et qui abattit l’arbre à coups de hache. Alors on découvrit un tuyau qui formait une communication à plusieurs toises sous terre, et par le moyen duquel on produisait les gémissements que l’on avait remarqués.

Arc-en-ciel. Le chapitre IX de la Genèse semble dire, selon des commentateurs, qu’il n’y eut point d’arc-en-ciel avant le déluge ; mais je ne sais[1] où l’on a vu « qu’il n’y en aura plus quarante ans avant la fin du monde, « parce que la sécheresse qui précédera l’embrasement de l’univers consumera la matière de ce météore ». C’est pourtant une opinion encore répandue chez ceux qui s’occupent de la fin du monde.

L’arc-en-ciel a son principe dans la nature ; et croire qu’il n’y eut point d’arc-en-ciel avant le déluge, parce que Dieu en fit le signe de son alliance, c’est comme si l’on disait qu’il n’y avait point d’eau avant l’institution du baptême. Et puis, Dieu ne dit point, au chapitre IX de la Genèse, qu’il plaça son arc en ciel, mais son arc en signe d’alliance ; et comment attribuera-t-on à l’arc-en-ciel ce passage d’Isaïe : J’ai mis mon arc et ma flèche dans les nues !

Chez les Scandinaves, l’arc-en-ciel est un pont qui va de l’enfer au walhalla. Les enfants croient en Alsace que toutes les fois qu’il y a dans le firmament un arc-en-ciel il tombe du ciel un petit plat d’or qui ne peut être trouvé que par un enfant né le dimanche.

Ardents (mal des), appelé aussi feu infernal. C’était au onzième et au douzième siècle une maladie non expliquée, qui se manifestait comme un feu intérieur et dévorait ceux qui en étaient frappés. Les personnes qui voyaient là un effet de la colère céleste l’appelaient feu sacré ; d’autres le nommaient feu infernal ; ceux qui l’attribuaient à l’influence des astres le nommaient sidération. Les reliques de saint Antoine, que le comte Josselin apporta de la terre sainte à la Mothe-Saint-Didier, ayant guéri plusieurs infortunés atteints de ce mal, on le nomme encore feu de saint Antoine.

Le mal des Ardents, lorsqu’il tomba sur Paris et sur Arras, au douzième siècle, était une affreuse maladie épidémique, une sorte de lèpre brûlante, plus terrible que le choléra. On en dut à Paris la guérison à sainte Geneviève. Le même bienfait est célèbre à Arras, où quelques gouttes d’un cierge miraculeux, apporté par la sainte Vierge[2], distillées dans l’eau, enlevaient le mal des Ardents.

On fêtait à Paris sainte Geneviève des Ardents, en souvenir des cures merveilleuses opérées alors par la châsse de la sainte sur les infortunés atteints de ce mal.

Ardents, exhalaisons enflammées qui paraissent sur les bords des lacs et des marais, ordinairement en automne, et qu’on prend pour des esprits follets, parce qu’elles sont à fleur de terre et qu’on les voit quelquefois changer de place. Souvent on en est ébloui et on se perd. Leloyer dit que lorsqu’on ne peut s’empêcher de suivre les ardents, ce sont bien en vérité des démons[3].

  1. Brown, Erreurs populaires, liv. VII, ch. v.
  2. Voyez ce fait dans les Légendes de la sainte Vierge.
  3. Discours des spectres, liv. I, ch. vii.