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pour parvenir à ce riche mariage, la magie et les philtres. On disait même qu’il avait composé ces philtres avec des filets de poissons, des huîtres et des pattes d’écrevisses. Les parents de la femme, à qui ce mariage ne convenait pas, l’accusèrent de sortilège ; il parut devant ses juges, et quoique les préjugés sur la magie fussent alors en très-grand crédit, Apulée plaida si bien sa cause qu’il la gagna pleinement.

Boguet et d’autres démonographes disent qu’Apulée fut métamorphosé en âne, comme quelques autres pèlerins, par le moyen des sorcières de Larisse, qu’il était allé voir pour essayer si la chose était possible et faisable[1]. La femme qui lui démontra que la chose était possible en le changeant en âne le vendit, puis le racheta. Par la suite, il devint si grand magicien qu’il se métamorphosait lui-même au besoin en cheval, en âne, en oiseau. Il se perçait le corps d’un coup d’épée sans se blesser. Il se rendait invisible, étant très-bien servi par son démon familier. C’est même pour couvrir son asinisme, dit encore Delancre, qu’il a composé son livre de l’Âne d’or.

Taillepied prétend que tout cela est une confusion, et que s’il y a un âne mêlé dans l’histoire d’Apulée, c’est qu’il avait un esprit familier qui lui apparaissait sous la forme d’un âne[2]. Les véritables ânes sont peut-être ici Delancre et Boguet. Ceux qui veulent jeter du merveilleux sur toutes les actions d’Apulée affirment que, par un effet de ses charmes, sa femme était obligée de lui tenir la chandelle pendant qu’il travaillait ; d’autres disent que cet office était rempli par son démon familier. Quoi qu’il en soit, il y avait de la complaisance dans cette femme ou dans ce démon.

Outre son livre de l’Âne d’or, on a encore d’Apulée un petit traité du démon de Socrate, De deo Socratis, réfuté par saint Augustin ; il a été traduit sous ce titre : De l’esprit familier de Socrate, avec des remarques, in-12. Paris, 1698.

Aquelare, ou le Bosquet du Bouc. C’est ainsi qu’on appelait dans le pays Basque un plateau où se faisait le sabbat.

Aquiel, démon que l’on conjure le dimanche. Voy. Conjurations.

Aquin (Mardochée d’), rabbin de Carpentras, mort en 1650, qui se fit chrétien, et changea au baptême son nom de Mardochée en celui de Philippe. On recherche de lui l’Interprétation de l’arbre de la cabale des Hébreux ; Paris, in-8o, sans date.

Arachula, méchant esprit de l’air et grand ennemi de la lune, chez les Chinois voisins de la Sibérie. Voy. Lune.

Arael, l’un des esprits que les rabbins du Talmud font, avec Anpiel, princes et gouverneurs du peuple des oiseaux.

Araignées. Les anciens regardaient comme un présage funeste les toiles d’araignée qui s’attachaient aux étendards et aux statues des dieux. Chez nous, une araignée qui court ou qui file promet de l’argent ; les uns prétendent que c’est de l’argent le matin, et le soir une nouvelle ; d’autres, au contraire, vous citeront ce proverbe axiome : Araignée du matin, petit chagrin ; araignée de midi, petit profit ; araignée du soir, petit espoir. « Mais, comme dit M. Salgues[3], si les araignées étaient le signe de la richesse, personne ne serait plus riche que les pauvres. »

Quelques personnes croient aussi qu’une araignée est toujours l’avant-coureur d’une nouvelle heureuse, si on a le bonheur de l’écraser. M. de T***, qui avait cette opinion, donna, en 1790, au théâtre de Saint-Pétersbourg, une tragédie intitulée Abaco et Moïna. La nuit qui en précéda la représentation, au moment de se coucher, il aperçut une araignée à côté de son lit. La vue de l’insecte lui fit plaisir ; il se hâta d’assurer la bonté du présage en l’écrasant ; il avait saisi sa pantoufle, mais l’émotion qu’il éprouvait fit manquer le coup, l’araignée disparut. Il passa deux heures à la chercher en vain ; fatigué de ses efforts inutiles, il se jeta sur son lit avec désespoir : « Le bonheur était là, s’écria-t-il, et je l’ai perdu ! Ah ! ma pauvre tragédie ! » Le lendemain il fut tenté de retirer sa pièce, mais un de ses amis l’en empêcha ; la pièce alla aux nues, et l’auteur n’en demeura pas moins persuadé qu’une araignée porte bonheur lorsqu’on l’écrase[4].

Dans le bon temps de la loterie, des femmes enfermaient le soir une araignée dans une boîte avec les quatre-vingt-dix numéros écrits sur de petits carrés de papier. L’araignée, en manœuvrant la nuit, retournait quelques-uns de ces papiers. Ceux qui étaient retournés de la sorte étaient regardés le lendemain matin comme numéros gagnants…

Cependant les toiles d’araignée sont utiles : appliquées sur une blessure, elles arrêtent le sang et empêchent que la plaie ne s’enflamme. Mais il ne faut peut-être pas croire, avec l’auteur des Admirables secrets d’Albert le Grand, que l’araignée pilée et mise en cataplasme sur les tempes guérisse la fièvre tierce.

Avant que Lalande eût fait voir qu’on pouvait manger des araignées, on les regardait généralement comme un poison. Un religieux du Mans disant la messe, une araignée tomba dans le calice après la consécration. Le moine, sans hésiter, avala l’insecte. On s’attendait à le voir enfler ; ce qui n’eut pas lieu.

  1. Delancre, Tableau de l’inconstance de démons, etc., liv. IV, ch. i.
  2. De l’apparition des esprits, ch. xv.
  3. Des erreurs et des préjugés, t. I. p. 510.
  4. Annales dramatiques, ou Dictionnaire des théâtres, par une société de gens de lettres, t. I, au mot Abaco.