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donner de sages conseils ; mais qu’ils se retirèrent quand Dieu vint lui-même instruire les hommes, et que dès lors les oracles se turent.

« On pensera des oracles des païens ce que l’on voudra, dit dom Calmet dans ses Dissertations sur les apparitions, je n’ai nul intérêt à les défendre, je ne ferai pas même difficulté d’avouer qu’il y a eu de la part des prêtres et des prêtresses qui rendaient ces oracles beaucoup de supercheries et d’illusions. Mais s’ensuit-il que le démon ne s’en soit jamais mêlé ? On ne peut disconvenir que, depuis le Christianisme, les oracles ne soient tombés insensiblement dans le mépris et n’aient été réduits au silence, et que les prêtres, qui se mêlaient de prédire les choses cachées et futures, n’aient été souvent forcés d’avouer que la présence des chrétiens leur imposait silence. »

Orages. Voy. Criériens, Tonnerre, etc.

Oraison du loup. Quand on l’a prononcée pendant cinq jours au soleil levant, on peut défier les loups les plus affamés et mettre les chiens à la porte. La voici, cette oraison fameuse :

« Viens, bête à laine, c’est l’agneau d’humilité ; je te garde. Va droit, bête grise, à gris agripeuse ; va chercher ta proie, loups et louves et louveteaux : tu n’as point à venir à cette viande qui est ici. Vade retro, o Satana ! » Voy. Gardes.

Oray ou Loray, grand marquis des enfers, qui se montre sous la forme d’un superbe archer portant un arc et des flèches ; il anime les combats, empire les blessures faites par les archers, lance les javelines les plus meurtrières. Trente légions le reconnaissent pour dominateur et souverain[1].

Orcavelle, magicienne célèbre dans les romans de chevalerie. Elle opérait des enchantements extraordinaires.

Ordalie. On donnait le nom d’ordalie à une série d’épreuves par les éléments. Elles consistaient à marcher les yeux bandés parmi des socs de charrue rougis au feu, à traverser des brasiers enflammés, à plonger le bras dans l’eau bouillante, à tenir à la main une barre de fer rouge, à avaler un morceau de pain mystérieux, à être plongé, les mains liées aux jambes, dans une grande cuve d’eau, enfin à étendre pendant assez longtemps les bras devant une croix. Voy. Croix, Eau, Feu, etc.

Oreille. On dit que nos amis parlent de nous quand l’oreille gauche nous tinte, et nos ennemis quand c’est la droite.

Oresme (Guillaume), astrologue du quatorzième siècle, dont on sait peu de chose.

Orfa. Le lac d’Orfa, près d’Édesse, pullule de poissons réputés sacrés. Il est expressément défendu, en mémoire d’Abraham, d’y jamais tendre un filet ou d’y jeter une amorce.

Orgueil, le péché qui ouvre la phalange odieuse des sept péchés capitaux. C’est le péché d’Adam, et il nous est resté.

Orias, démon des astrologues et des devins, grand marquis de l’empire infernal. Il se montre sous les traits d’un lion furieux, assis sur un cheval qui a la queue d’un serpent. Il porte dans chaque main une vipère. Il connaît l’astronomie et enseigne l’astrologie. Il métamorphose les hommes à leur volonté, leur fait obtenir des dignités et des titres, et commande trente légions.

Originel (Péché), la source de tous les maux qui affligent l’humanité, réparé par le baptême dans ses conséquences éternelles. Ceux qui nient le péché originel n’ont pourtant jamais pu expliquer leur négation. Voy. Péché.

Origines du monde. Tout s’accorde pour reconnaître au monde une origine peu éloignée. L’histoire, aussi bien que la sainte Bible, ne nous permet guère de donner au monde plus de six mille ans ; et rien dans les arts, dans les monuments, dans la civilisation des anciens peuples, ne contredit l’Écriture sainte. Racontons toutefois les rêveries des conteurs païens. Sanchoniaton présente ainsi l’origine du monde. Le Très-Haut et sa femme habitaient le sein de la lumière. Ils eurent un fils beau comme le Ciel, dont il porta le nom, et une fille belle comme la Terre, dont elle porta le nom. Le Très-Haut mourut, tué par des bêtes féroces, et ses enfants le déifièrent. Le Ciel, maître de l’empire de son père, épousa alors la Terre, sa sœur, et en eut plusieurs enfants, entre autres Hus ou Saturne. Il prit encore soin de sa postérité avec quelques autres femmes ; mais la Terre en témoigna tant de jalousie qu’ils se séparèrent. Néanmoins le Ciel revenait quelquefois à elle et l’abandonnait ensuite de nouveau, ou cherchait à détruire les enfants qu’elle lui avait donnés. Quand Saturne fut grand, il prit le parti de sa mère et la protégea contre son père, avec le secours d’Hermès, son secrétaire. Saturne chassa son père et régna en sa place. Ensuite il bâtit une ville, et se défiant de Sadid, l’un de ses fils, il le tua et coupa la tête à sa fille, au grand étonnement des dieux. Cependant le Ciel, toujours fugitif, envoya trois de ses filles à Saturne pour le faire périr ; ce prince les fit prisonnières et les épousa. À cette nouvelle, le père en détacha deux autres que Saturne épousa pareillement. Quelque temps après Saturne, ayant tendu des embûches à son père, l’estropia et l’honora ensuite comme un dieu.

Tels sont les divins exploits de Saturne, tel fut l’âge d’or. Astarté la Grande régna alors dans le pays par le consentement de Saturne ; elle porta sur sa tête une tête de taureau pour marque de sa royauté, etc.[2].

  1. Wierus, in Pseudom. dæm.
  2. L’auteur du Monde primitif trouve la clef de ce morceau dans l’agriculture… ; d’autres en cherchent l’explication dans l’astronomie, ce qui n’est pas moins ingénieux ; ceux-ci n’y voient que les opinions religieuses des Phéniciens touchant l’origine du monde, ceux-là y croient voir l’histoire dénaturée des premiers princes du pays, etc.