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Antoine. Saint Antoine est célèbre par les tentations qu’il eut à subir de la part du diable. Ceux qui ont mis leur esprit à la torture pour donner à ces faits un côté plaisant n’ont pas toujours eu autant d’esprit qu’ils ont voulu en montrer. Ils n’égalent certainement pas le bon légendaire, qui conte qu’Antoine, ayant dompté Satan, le contraignit à demeurer auprès de lui sous sa forme la plus convenable, qui était celle d’un cochon. Voy. Ardents.

Apantomancie, divination tirée des objets qui se présentent à l’improviste. Tels sont les présages que donne la rencontre d’un lièvre ou d’un aigle, etc.

Aparctiens, peuples fabuleux que d’anciens conteurs ont placés dans le Septentrion. Ils étaient transparents comme du cristal, et avaient les pieds étroits et tranchants comme des patins, ce qui les aidait merveilleusement à glisser sur leurs lacs gelés. Leur longue barbe ne leur pendait pas au menton, mais au bout du nez. Ils n’avaient point de langue, mais deux solides râteliers de dents, qu’ils frappaient musicalement l’un contre l’autre pour s’exprimer. Ils ne sortaient que la nuit, et se reproduisaient par le moyen de la sueur, qui se congelait et formait un petit. Leur dieu était un ours blanc[1].

Apis, ou mieux Hapi. C’est le bœuf que les Égyptiens adoraient. Il devait être noir et avoir une tache blanche carrée sur le front. Dès qu’il avait trôné vingt-cinq ans dans ses deux étables, qui étaient deux temples, on le noyait, et on lui cherchait un remplaçant. On croit que ce bœuf représentait Osiris.

Apocalypse. Dans cette clôture redoutable du saint livre qui commence par la Genèse, l’esprit de l’homme s’est souvent égaré. La manie de vouloir tout expliquer, quand nous sommes entourés de tant de mystères que nous ne pouvons comprendre ici-bas, a fourvoyé bien des esprits. Après avoir trouvé la bête à sept têtes et l’Antechrist dans divers personnages, on est aussi peu avancé que le premier jour. Newton a échoué, comme les autres, dans l’interprétation de l’Apocalypse. Ceux qui l’ont lue comme un poëme hermétique ont leur excuse dans leur folie. Pour nous, attendons que Dieu lève les voiles.

Il y a eu plusieurs Apocalypses supposées, de saint Pierre, de saint Paul, de saint Thomas, de saint Étienne, d’Esdras, de Moïse, d’Élie, d’Abraham, de Marie, femme de Noé, d’Adam même. Porphyre a cité encore une Apocalypse de Zoroastre.

Apollinaire, plante ainsi nommée chez les païens parce qu’elle était consacrée à Apollon. Les chrétiens lui ont conservé ce nom à cause du grand saint qui l’a porté.

Apollonie de Leuttershausen. Cette femme vivait au temps où s’établit la réforme. Elle habitait avec son mari, Hans Geisselbrecht, le margraviat de Brandebourg. Son histoire a été publiée par Sixte Agricola et Georges Witmer (Ingolstadt, 1584). Gorres l’a résumée dans le quatrième volume de sa Mystique. Nous l’empruntons à ce grand ouvrage. — Hans Geisselbrecht était un chenapan qui passait sa vie à boire, à jurer et à maltraiter sa femme. Un matin, les voisines reprochèrent à la pauvre Apollonie le vacarme qui s’était fait toute la nuit chez elle. Furieuse de subir des reproches après tout ce qu’elle endurait de son mari, elle s’écria : — Si le bon Dieu ne veut pas me délivrer de cet homme violent, eh bien, que le diable vienne à mon aide. — Le soir, lorsque le bétail fut rentré, elle s’en alla traire ses vaches. Alors elle vit voler autour de sa tête deux oiseaux qui semblaient des corbeaux, quoique à cette époque il n’y en eût plus dans le pays. Puis un homme de haute taille parut à ses côtés et lui dit : — Ah ! ma pauvre femme, j’ai bien pitié de vous et de votre triste sort, avec un affreux mari qui dévorera tout ce que vous possédez. Si vous voulez être à moi, je vais vous conduire à l’instant en un lieu charmant où vous pourrez boire, manger, chanter, danser à votre aise, et mener une vie comme vous n’en avez jamais mené jusqu’ici, car le ciel n’est pas tel que vous le représentent vos prêtres ; je vous ferai voir bien autre chose. — Apollonie, sans plus réfléchir, donna sa main à l’inconnu en disant qu’elle voulait bien être à lui. Aussitôt elle fut possédée. Les voisins, un instant après, accoururent à ses cris, car elle venait de se jeter dans un égout situé près de son étable, et elle pouvait s’y noyer. Comme on la remportait dans sa maison, elle s’écriait : — Laissez-moi ! ne voyez-vous pas la vie délicieuse que je mène ; je ne fais que boire, manger, chanter et danser[2]… Il paraît que les exorcismes la guérirent, et nous n’avons pas la suite de son histoire.

Apollonius de Tyane, philosophe pythagoricien, né à Tyane en Cappadoce, peu de temps après Notre-Seigneur Jésus-Christ. C’était un de ces aventuriers qui s’occupaient de théurgie, et qui cherchaient auprès des magiciens et des jongleurs, si nombreux chez les païens, ces secrets mystérieux au moyen desquels ils étonnaient la foule. Il était oublié lorsque l’impératrice Julie, femme de Septime Sévère, princesse de mœurs dissolues, et par conséquent ennemie de l’Évangile, pria Philostrate, autre ennemi des chrétiens, de faire d’Apollonius un héros que l’on pût opposer au Christ. Avec des matériaux recueillis plus d’un siècle après la mort de cet homme, dont on ne se souvenait plus, il composa un récit que Lactance compare à l’Âne d’or d’Apulée. Apollonius de Tyane était un magicien

  1. Supplément à l’Histoire véritable de Lucien.
  2. La mystique divine, naturelle et diabolique, par Gorres, traduit de l’allemand par M. Charles Sainte-Foi.