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protester que le démon blanc était un fuseau de laine blanche qu’elle allait filer, et que le démon noir n’en était que l’ombre, elle n’en fut pas moins pendue. C’était la justice laïque. L’Église romaine, qui n’envoyait les vrais sorciers ni à la potence ni au feu, et qui se contentait de les exorciser avec l’eau bénite et la prière, n’a jamais vu ces barbaries qu’avec horreur.

Munster. « Si l’on en croit le témoignage de quelques contemporains, des signes précurseurs avaient annoncé les calamités qui frappèrent Munster (de 1531 à 1535, sous la domination des anabaptistes). Dès 1517, la veille des ides de janvier, on vit trois soleils à la fois, que perçaient d’outre en outre des glaives lumineux. Quelques jours après, trois lunes ; on ne dit pas qu’elles aient été traitées aussi cruellement que les soleils. Mais les étoiles ne furent point épargnées. De petites épées qu’on apercevait çà et là dans les nues semblaient les poignarder :In nubïbus sparsim gladioli, quasi stellas transfigentes. N’oublions point un bras qui ne tenait à rien, étendu vers le nord et armé d’un sabre nu, ni des éclipses de soleil et de lune, ni une comète, ni des feux errants pendant la nuit. Ajoutons à ces prodiges des enfantements monstrueux. En plein jour, un homme céleste traversa les airs ; il avait une couronne d’or sur la tête, un glaive dans une main, une verge dans l’autre. Mais qu’était-ce, en comparaison d’un spectre hideux, vu pareillement en l’air, tenant dans ses mains décharnées des entrailles palpitantes, qu’il comprimait si réellement, que le sang en dégoutta sur le toit de plusieurs maisons ?

« L’auteur que je suis est trop sage pour garantir ces tristes merveilles, et je me borne comme lui à les donner pour ce qu’elles valent. Il en est une cependant qui mérite plus d’attention, parce que l’historien assure qu’il en fut témoin, prœsente me, dit-il. La fille d’un tailleur, nommé Tomberg, âgée de quinze à seize ans, timide et parlant difficilement, fut tout à coup saisie d’un enthousiasme terrible, parla trois heures de suite avec une sorte de fureur, annonçant à la ville les malheurs dont elle était menacée. Sa prédiction finie, elle tomba morte. Ce trait ressemble assez au juif du siège de Jérusalem[1]. » Voy. Jean de Leyde.

Muraille du diable. C’est cette fameuse muraille qui séparait autrefois l’Angleterre de l’Ecosse, et dont il subsiste encore diverses parties que le temps n’a pas trop altérées. La force du ciment et la dureté des pierres ont persuadé aux habitants des lieux voisins qu’elle a été faite de la main du diable ; et les plus superstitieux ont grand soin d’en recueillir jusqu’aux moindres débris, qu’ils mêlent dans les fondements de leurs maisons, pour leur communiquer la même solidité. Elle a été bâtie par l’empereur Adrien. Un jardinier écossais, ouvrant la terre dans son jardin, trouva une pierre d’une grosseur considérable, sur laquelle on lisait, en caractères du pays, qu’elle était là pour la sûreté des murs du château et du jardin, et qu’elle y avait été apportée de la grande muraille dont elle avait fait autrefois partie ; mais qu’il serait aussi dangereux de la remuer qu’il y aurait d’avantage à la laisser à sa place. Le seigneur de la maison, moins crédule que ses ancêtres, voulut la faire transporter dans un autre endroit, pour l’exposer à la vue, comme un ancien monument. On entreprit de la faire sortir de terre à force de machines, et on en vint à bout, comme on l’aurait fait d’une pierre ordinaire. Elle demeura sur le bord du trou, pendant que la curiosité y fit descendre le jardinier, plusieurs domestiques, les deux fils du gentilhomme, qui s’amusèrent quelques moments à creuser encore le fond. La pierre fatale, qu’on avait négligé apparemment de placer dans un juste équilibre, prit ce temps pour retomber au fond du trou, et écrasa tous ceux qui s’y trouvaient. Ce n’était là que le prélude des malheurs que devait causer cette pierre. La jeune épouse de l’aîné des deux frères apprit ce qui venait d’arriver. Elle courut au jardin ; elle y arriva dans le temps que les ouvriers s’empressaient de lever la pierre, avec quelque espérance de trouver un reste de vie aux infortunés qu’elle couvrait. Ils l’avaient levée à demi, et l’on s’aperçut en effet qu’ils respiraient encore, lorsque l’imprudente épouse, perdant tout soin d’elle-même, se jeta si rapidement sur le corps de son mari, que les ouvriers, saisis de son action, lâchèrent malheureusement les machines qui soutenaient la pierre et l’ensevelirent ainsi avec les autres. Cet accident confirma plus que jamais la superstitieuse opinion des Écossais :on ne manqua pas de l’attribuer à quelque pouvoir établi pour la conservation du mur d’Écosse et de toutes les pierres qui en sont détachées.

Murmur, grand-duc et comte de l’empire infernal, démon de la musique. Il paraît sous la forme d’un soldat monté sur un vautour et accompagné d’une multitude de trompettes ; sa tête est ceinte d’une couronne ducale ; il marche précédé du bruit des clairons. Il est de l’ordre des Anges et de celui des Trônes[2].

Murzanti. Une jeune Italienne de Poncini était possédée d’un esprit qui se donnait pour l’âme d’un homme appelé Murzanti, lequel avait été assassiné dans une partie de jeu. L’esprit, interpellé, déclara qu’il quitterait le corps de cette jeune fille lorsqu’on aurait fait dire des prières et des messes pour le repos de son âme. On le fit, et la possédée fut guérie.

  1. M. Baston, Jean Bockelson. Fragment historique tiré d’un manuscrit contemporain de la prévôté de Varlard.
  2. Wierus, in Pseudomonarchia dæmon.