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la terre, l’Avarice aux marchands, l’Avidité déloyale aux mercenaires, l’Hypocrisie aux fourbes, l’Envie aux artistes, la Vanité aux efféminés. L’Impureté lui restait ; car, réflexion faite, il sétait décidé à la garder chez lui pour que ceux qui désireraient l’avoir vinssent la chercher. Il comptait sur un grand nombre de visites, et il ne fut pas trompé dans ses prévisions.

Mariagrane (Marie), sorcière qui dit avoir vu souvent le diable, et qui se trouve citée dans Delancre.

Marigny ( Enguerrand de), ministre de Louis X, roi de France. Alix de Mons, femme d’Enguerrand, et la dame de Canteleu, sa sœur, furent accusées d’avoir eu recours aux sortilèges pour envoûter le roi, messire Charles, son frère, et autres barons, et d’avoir fait des maléfices pour faire évader Enguerrand, qui était emprisonné. On fit arrêter les deux dames. Jacques Dulot, magicien, qui était censé les avoir aidées de ses sortilèges, fut mis en prison ; sa femme fut brûlée et son valet pendu. Tous ces gens étaient des bandits. Dulot, craignant pareil supplice, se tua dans son cachot. Le comte de Valois, oncle du roi, fit considérer à ce prince que la mort volontaire du magicien était une grande preuve contre Marigny. On montra au monarque les images de cire ; il se laissa persuader et déclara qu’il ôtait sa main de Marigny et qu’il l’abandonnait à son oncle. On assembla aussitôt quelques juges ; la délibération ne fut pas longue : Marigny fut condamné, malgré sa qualité de gentilhomme, à être pendu comme sorcier. L’arrêt fut exécuté la veille de l’Ascension, et son corps fut attaché au gibet de Montfaucon, qu’il avait fait relever durant son ministère. Le peuple, que l’insolence du ministre avait irrité, se montra touché de son malheur. Les juges n’osèrent condamner sa femme et sa sœur ; le roi lui-même se repentit d’avoir abandonné Marigny à ses ennemis. Dans son testament il laissa une somme considérable à sa famille, en considération, dit-il, de la grande infortune qui lui était arrivée[1].

Marionnettes. On croyait autrefois que dans les marionnettes logeaient de petits démons. Voy. Brioché, Bouchey, Mandragores, etc.

Marissane. Un jeune homme de quinze ou seize ans, nommé Christoval de la Garrade, fut enlevé, sans graisse ni onguent, par Marissane de Tartras, sorcière, laquelle le porta si loin et si haut à travers les airs, qu’il ne put reconnaître le lieu du sabbat ; mais il avoua qu’il avait été bien étrillé pour n’avoir pas voulu prendre part audit sabbat, et sa déposition fut une des preuves qui firent brûler la sorcière. Pourtant il pouvait n’avoir fait qu’un rêve. Voy. Raide.

Marius. Il menait avec lui une sorcière scythe qui lui pronostiquait le succès de ses entreprises.

Marle (Thomas de), comte d’Amiens et sire de Coucy, dont on peut lire les crimes dans les chroniques du règne de Louis le Gros. À sa mort, il recula sur ses forfaits et voulut se réconcilier avec Dieu ; mais comme il refusait de réparer une des plus sombres actions de sa vie[2], lorsqu’il se souleva pour recevoir la sainte communion qu’il avait demandée, Suger atteste qu’une main invisible lui tordit le cou.

Marlowe, poëte anglais de la fin du seizième siècle, né en février 1563, tué en duel le 15 juin 1593 à l’âge de trente ans. C’était un débauché, si on s’en rapporte à son épitaphe. Il a laissé un poëme de Faust, antérieur de deux siècles à celui de Gœthe[3].

Marot. Mahomet cite l’histoire des deux anges Arot et Marot pour justifier la défense qu’il fait de boire du vin. « Dieu, dit-il, chargea Arot et Marot d’une commission sur la terre. Une jeune dame les invita à dîner, et ils trouvèrent le vin si bon qu’ils s’enivrèrent. Ils remarquèrent alors que leur hôtesse était belle, s’éprirent d’amour et se déclarèrent. Cette dame, qui était sage, répondit qu’elle ne les écouterait que quand ils lui auraient appris les mots dont ils se servaient pour monter au ciel. Dès qu’elle les sut, elle s’éleva jusqu’au trône de Dieu, qui la transforma, pour prix de sa vertu, en une étoile brillante (c’est l’étoile du matin), et qui condamna les deux anges ivrognes à demeurer jusqu’au jour du jugement suspendus par les pieds dans le puits de Babel, que les pèlerins musulmans vont visiter encore auprès de Bagdad.

Marque du diable. On sait que les sorcières qui vont au sabbat sont marquées par le diable, et ont particulièrement un endroit insensible que les juges ont fait quelquefois sonder avec de longues épingles. Lorsque les prévenues ne jettent aucun cri et ne laissent voir aucune souffrance, elles sont réputées sorcières et condamnées comme telles, parce que c’est une preuve évidente de leur transport au sabbat. Delancre[4] ajoute que toutes celles qui ont passé par ses mains ont avoué toutes ces choses lorsqu’elles furent jetées au feu. Bodin prétend que le diable ne marque point celles qui se donnent à lui volontairement et qu’il croit fidèles ; mais Delancre réfute cette assertion, en disant que toutes les plus grandes sorcières qu’il a vues avaient une ou plusieurs marques, soit à l’œil, soit ailleurs. Ces marques ont d’ordinaire la forme d’un petit croissant ou d’une griffe, ou d’une paire de cornes qui font la fourche.

Marquis de l’enfer. Les marquis de l’enfer,

  1. M. Garinet, Histoire de la magie en France.
  2. Il tenait sa belle-mère enfermée dans un cachot ignoré de tous, connu de lui seul ; il s’obstina en mourant à ne pas révéler son affreux secret…
  3. M. François Hugo nous a fait connaître le poëme de Marlowe, dans la Revue française, mai 4858.
  4. Tableau de l’inconstance des démons, p. 403.