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Jédaï, divinité peu précise des Tartares de l’Altaï. Ils lui donnent cependant le titre de roi, et ils racontent qu’il possédait un briquet duquel il faisait jaillir des guerriers par centaines ; il en tirait aussi des ponts pour traverser les fleuves, et des vents qui lui frayaient une route à travers les déserts[1].

Jéhovah. Ce nom auguste est employé souvent chez les cabalistes juifs. On le trouve dans les odieuses et absurdes conjurations de la magie noire.

Jénounes. Quelques Arabes nomment ainsi une sorte de génies intermédiaires entre les anges et les diables : ils fréquentent les bosquets et les fontaines, cachés sous la forme de divers reptiles, exposés à être foulés sous les pieds des passants. La plupart des maladies sont le ré-

 
Jénounes
Jénounes
 
sultat de leurs vengeances. Lorsqu’un Arabe est indisposé, il s’imagine avoir outragé un de ces agents invisibles ; il a aussitôt recours à une magicienne qui se rend à quelque source voisine, y brûle de l’encens et sacrifie un coq ou une poule, un bélier ou une brebis, suivant le sexe, la qualité du malade ou la nature de la maladie.

Jérôme (Saint). On a eu le front de lui attribuer des livres de nécromancie, et particulièrement l’Art notoire. Voy. ce mot.

Jérôme, habitant de Plaisance au quinzième siècle. Séduit par une magicienne, il se frotta d’un onguent qu’elle lui donna et fit certains signes qu’elle lui indiquait. Il se sentit aussi enlevé, comme s’il eût été sur un cheval, et emporté au sabbat, autour du noyer de Bénévent. Éclairé ainsi, il renonça à Satan et entra dans l’ordre de Saint-Benoît, où il mourut chrétien.

Jérusalem. Avant la destruction de Jérusalem par Titus, fils de Vespasien, on distingua, dit-on, une éclipse de lune qui se répéta douze nuits de suite. Un soir, vers le coucher du soleil, on aperçut dans l’air des chariots de guerre, des cavaliers, des cohortes de gens armés, qui, mêlés aux nuages, couvraient toute la ville et l’environnaient de leurs bataillons. Pendant le siège, et peu de jours avant la ruine de la ville, on vit tout à coup paraître un homme absolument inconnu, qui se mit à parcourir les rues et les places publiques, criant sans cesse : « Malheur à toi, Jérusalem ! » On le fit battre de verges ; on le déchira de coups, pour lui faire dire d’où il sortait ; mais sans pousser une seule plainte, sans répondre un seul mot, sans donner le moindre témoignage de souffrance, il criait toujours et sans relâche : « Malheur à toi, Jérusalem ! » Enfin, un jour qu’il se trouvait sur le rempart, il s’écria : « Malheur à moi-même ! » et un instant après il fut écrasé par une des pierres que lançaient les assiégeants[2].

Jésabel, reine des Israélites, que Jéhu fit manger aux chiens après l’avoir fait précipiter du haut d’une tour, et que Bodin met au nombre des sorcières. Elle mérite cet opprobre, car elle adorait les démons.

Jetzer. L’affaire des jacobins de Berne a fait un grand bruit ; et les ennemis de la religion l’ont travestie avec une insigne mauvaise foi. Voici toute l’histoire :

Les dominicains ou jacobins ne s’accordaient pas entièrement avec les cordeliers sur le fait auguste de l’immaculée conception de la très-sainte Vierge. Les dominicains ne l’admettaient pas absolument. Or, au commencement du seizième siècle, il y avait au couvent des dominicains de Berne, alors fort relâché, quatre mauvais moines, qui imaginèrent une affreuse jonglerie pour faire croire que la sainte Vierge se prononçait contre les cordeliers, qui défendaient une de ses plus belles et de ses plus incontestables prérogatives. Ils avaient parmi eux un jeune moine, simple et crédule, nommé Jetzer ; ils lui firent apparaître pendant la nuit des âmes du purgatoire et lui persuadèrent qu’il les délivrerait en restant couché en croix dans une chapelle, pendant le temps qu’on célébrerait la sainte messe. On lui fit voir ensuite sainte Barbe, à laquelle il avait beaucoup de dévotion, et qui lui annonça qu’il était destiné à de grandes choses. Par une nouvelle imposture sacrilège, le sous-prieur, qui était un des quatre moines criminels, fit le personnage de la sainte Vierge, s’approcha la nuit de Jetzer et lui donna trois gouttes de sang, disant que c’étaient trois larmes que Jésus-Christ avaient répandues sur Jérusalem. Ces trois larmes signifiaient que la sainte Vierge était restée trois heures dans le péché originel… Cette explication était rehaussée de diatribes contre les cordeliers. Jetzer, qui était de bonne foi et qui avait l’âme droite, s’inquiétait de la passion qui perçait dans cette affaire, et se troublait surtout de reconnaître la voix du sous-prieur dans la voix de la sainte Vierge. Pour le raffermir, on l’endormit avec un breuvage et on voulut le stigmatiser ; puis, comme il ne répondait pas à l’espoir qu’on avait mis en lui, on chercha, dit-on, à l’empoisonner et on l’enferma ; mais il trouva moyen de s’échapper ; il s’enfuit à Rome, où il révéla toute l’intrigue. Le saint-siège fit poursuivre les moines scélérats et

  1. Revue germanique, août 1860, p. 449.
  2. Voyez Josèphe, Histoire de la guerre de Judée ; Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, deuxième partie, ch. viii.