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que durant le demi-siècle qui précéda l’année mémorable où l’on vit le courage abattu de ses guerriers, près de subir complètement le joug de l’étranger, se ranimer à la voix d’une jeune fille de dix-huit ans. Charles VII était sur le point de céder à l’ennemi Chinon, sa dernière place, lorsque Jeanne d’Arc parut, vers la fin de février 1429. Ce n’était qu’une simple paysanne. Son père se nommait Jacques d’Arc ; sa mère, Isabelle Ramée. Dès sa plus tendre enfance elle avait montré une timidité sans exemple et fuyait le plaisir pour se livrer tout entière à Dieu ; elle avait seize ans, lorsqu’un jour, à midi, elle vit dans le jardin de son père l’archange Michel, l’ange Gabriel, sainte Catherine et sainte Marguerite, resplendissants de lumière. Ces saints, depuis, la guidèrent dans ses actions. Les voix (car elle s’exprimait ainsi) lui ordonnèrent d’aller en aide au roi de France, et de faire lever le siège d’Orléans. Malgré les avis contraires, elle obéit aux voix et se rendit d’abord à Vaucouleurs. Jean de Metz, frappé de ce qu’elle lui dit, se chargea de la présenter au roi. Ils arrivèrent tous deux, le 24 février 1429, à Chinon, où Charles tenait sa petite cour. Jeanne s’agenouilla devant lui. L’étonnement fut grand ; et on hésita d’abord

Illustration du Dictionnaire infernal de Jacques Auguste Simon Collin de Plancy par Louis Le Breton, 6eme édition, 1863.
Illustration du Dictionnaire infernal de Jacques Auguste Simon Collin de Plancy par Louis Le Breton, 6eme édition, 1863.

devant une mission si merveilleuse ; mais après un examen sérieux et de savantes consultations, on donna à la jeune fille des chevaux et des hommes ; on l’arma d’une épée que, sur sa révélation, on trouva enterrée dans l’église de Sainte-Catherine de Fierbois. Elle se rendit aussitôt sous les murs d’Orléans, et combattit dès le premier jour avec un courage qui éclipsa celui des grands capitaines. Elle chassa les Anglais d’Orléans, fit ensuite, selon l’ordre qu’elle avait reçu, sacrer son roi à Reims, lui rendit Troyes, Châlons, Auxerre, et la plus grande partie de son royaume. Après quoi, elle voulut se retirer, disant formellement que sa mission était accomplie. Mais elle avait donné trop de preuves de sa vaillance, et l’armée avait trop de confiance en elle, pour qu’on lui accordât sitôt sa liberté. Ce fut la cause de ses malheurs : elle les prévit, les annonça en pleurant ; et bientôt, s’étant jetée dans Compiègne pour défendre cette place contre le duc de Bourgogne, elle fut prise par un gentilhomme picard qui la vendit à Jean de Luxembourg, lequel la revendit aux Anglais.

Pour se venger de ce qu’elle les avait trop souvent vaincus, ceux-ci l’accusèrent d’avoir employé les sortilèges et la magie à ses triomphes. On la traduisit devant un tribunal corrompu, qui la déclara fanatique et sorcière. Ce qui n’est pas moins horrible, c’est que l’ingrat monarque qui lui devait sa couronne l’abandonna ; il crut n’avoir plus besoin d’elle. Le procès se poursuivit avec activité. Durant l’instruction, Ligny-Luxembourg vint la voir, accompagné de Warwick et de Straffort : — Je sais bien, leur dit-elle, que ces Anglais me feront mourir, croyant qu’après ma mort ils gagneront le royaume de France. Mais, seraient-ils cent mille, avec ce qu’ils sont à présent, ils n’auront pas ce royaume. — Fatiguée de mauvais traitements, elle tomba dangereusement malade. Bedfort, Wincester, Warwick chargèrent deux médecins d’avoir soin d’elle, et leur enjoignirent de prendre bien garde qu’elle ne mourût de sa mort naturelle ; « le roi d’Angleterre l’avait trop cher achetée pour être privé de Ici joie de la faire brûler. »