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AMY
ANA
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On lit dans Thyræus[1] qu’en 1568, dans le duché de Juliers, le prince d’Orange condamna un prisonnier espagnol à mourir ; que ses soldats l’attachèrent à un arbre et s’efforcèrent de le tuer à coups d’arquebuse ; mais que leurs balles ne l’atteignirent point. On le déshabilla pour s’assurer s’il n’avait pas sur la peau une armure qui arrêtât le coup ; on trouva une amulette portant la figure d’un agneau : on la lui ôta, et le premier coup de fusil l’étendit roide mort.

On voit dans la vieille chronique de don Ursino que quand sa mère l’envoya, tout petit enfant qu’il était, à Saint-Jacques de Compostelle, elle lui mit au cou une amulette que son époux avait arrachée à un chevalier maure. La vertu de cette amulette était d’adoucir la fureur des bêtes cruelles. En traversant une forêt, une ourse enleva le petit prince des mains de sa nourrice et l’emporta dans sa caverne. Mais, loin de lui faire aucun mal, elle l’éleva avec tendresse ; il devint par la suite très-fameux sous le nom de don Ursino, qu’il devait à l’ourse, sa nourrice sauvage, et il fut reconnu par son père, à qui la légende dit qu’il succéda sur le trône de Navarre.

Les nègres croient beaucoup à la puissance des amulettes. Les bas Bretons leur attribuent le pouvoir de repousser le démon. Dans le Finistère, quand on porte un enfant au baptême, on lui met au cou un morceau de pain noir, pour éloigner les sorts et les maléfices que les vieilles sorcières pourraient jeter sur lui[2]. Voy. Alès.

Amy, grand président aux enfers, et l’un des princes de la monarchie infernale. Il paraît là-bas environné de flammes mais il affecte sur la terre des traits humains. Il enseigne les secrets de l’astrologie et des arts libéraux ; il donne de bons domestiques ; il découvre à ses amis les trésors gardés par les démons ; il est préfet de trente-six légions. Des anges déchus et des puissances sont sous ses ordres. Il espère qu’après deux cent mille ans il retournera dans le ciel pour y occuper le septième trône ; ce qui n’est pas croyable, dit Wierus[3].

Amyraut (Moïse), théologien protestant, né dans l’Anjou en 1596, mort en 1664. On lui doit un Traité des songes, aujourd’hui peu recherché.

Anabaptistes, secte née de Luther, qui rebaptisait ; ce que signifie son nom. Voy. Jean de Leyde et Muncer.

Anagramme. Il y eut des gens, surtout dans les quinzième et seizième siècles, qui prétendaient trouver des sens cachés dans les mots qu’ils décomposaient, et une divination dans les anagrammes. On cite comme une des plus curieuses celle que l’on fit sur le meurtrier de Henri III, Frère dit Jacques Clément, où l’on trouve : C’est l’enfer qui m’a créé. — Deux religieux en dispute, le père Proust et le père d’Orléans, faisaient des anagrammes ; le père Proust trouva dans le nom de son confrère : l’Asne d’or, et le père d’Orléans découvrit dans celui du père Proust : Pur sot.

Un nommé André Pujon, de la haute Auvergne, passant par Lyon pour se rendre à Paris, rêva la nuit que l’anagramme de son nom était : pendu à Riom. En effet, on ajoute que le lendemain il s’éleva une querelle entre lui et un homme de son auberge, qu’il tua son adversaire, et qu’il fut pendu huit jours après sur la place publique de Riom. — C’est un vieux conte renouvelé. On voit dans Delancre[4] que le pendu s’appelait Jean de Pruom, dont l’anagramme est la même.

J.-B. Rousseau, qui ne voulait pas reconnaître son père, parce que ce n’était qu’un humble cordonnier, avait pris le nom de Verniettes, dont l’anagramme fut faite ; on y trouva : Tu te renies. On fit de Pierre de Ronsard rose de Pindare, — L’anagramme de monde, est démon ; l’anagramme d’Amiens, en amis ; celle de Lamartine, mal t’en ira ; celle de révolution française, un Corse te finira ; en 1848, on a trouvé insolemment dans ces trois noms : A. Thiers, Odilon Barrot, Chambolle, trois Aliboron de la Chambre.

On donna le nom de cabale à la ligue des favoris de Charles II d’Angleterre, qui étaient Clifford, Ashley, Buckingham, Arlington, Lauderdale, parce que les initiales des noms de ces cinq ministres formaient le mot cabal.

On voulut présenter comme une prophétie cette anagramme de Louis quatorzième, roi de France et de Navarre : « Va, Dieu confondra l’armée qui osera te résister… »

Parfois les anagrammes donnent pourtant un sens qui étonne. Qu’est-ce que la vérité ? Quid est veritas ? demande Pilate à l’Homme-Dieu ; et il se lève sans attendre la réponse. Mais elle est dans la question, dont l’anagramme donne exactement : Est vir qui adest, c’est celui qui est devant vous.

  1. Disp. de dæmoniac., pars III, cap. xlv.
  2. On lit dans les observations de Thomas Campbell sur Alger : « Il y a dans l’Algérie quelques Maures et quelques Juifs qui se prétendent docteurs, et des femmes qui se disent accoucheuses. Mais les médecins et les chirurgiens du pays ne savent pas un mot d’anatomie ; ils ignorent jusqu’au nom des drogues qu’ils prennent à tort et à travers. En chirurgie, ils ne savent pas même manier la lancette. En médecine, ils viennent au secours d’une colique, de la pierre et de la pleurésie, par l’application d’un fer rouge sur la partie souffrante : ce traitement force souvent le patient à crier qu’il est guéri, afin qu’on cesse le remède. Ils saignent avec un rasoir, et arrêtent les hémorrhagies avec de la poix ! Le docteur Abernethy, dans une leçon sur le goitre, disait qu’il ne savait comment guérir cette maladie, et que peut-être la meilleure ordonnance serait de siffler. Il est possible, en vérité, que les amulettes données aux Algériens par leurs marabouts soient les remèdes les plus innocents de leur pharmacie. »
  3. In Pseudomon. dæmonum.
  4. L’incrédulité et mécréance, etc., traité V.