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succès d’un attentat contre sa personne, le diable s’écria en français. « Je n’ai aucun pouvoir sur lui, il est l’homme de Dieu… » Un voyage que Sa Majesté fit à Norway, pour y voir la reine et la ramener à Édimbourg, offrit aux instruments de Satan une occasion favorable. Le comité diabolique résolut de soulever une tempête pour engloutir son plus terrible ennemi. Les préparatifs en furent solennels. Le prince des ténèbres proposa d’élever un brouillard qui ferait échouer le roi sur la côte d’Angleterre, et le docteur Fian, en sa qualité de secrétaire de Sa Majesté Infernale, écrivit à Marion Linkup et à quelques autres associés pour les inviter à se rendre dans cinq jours sur l’Océan, à la rencontre de leur maître, dans le dessein de faire périr le roi.

Le ban et l’arrière-ban, ainsi convoqués, se mirent en route au nombre de deux cents, et chaque sorcière s’embarqua sur un crible ou un tamis. On ne dit pas à quelle latitude elles rencontrèrent le diable.

Dès qu’il leur apparut, il expédia à Robert Wierson un chat qui avait été pendu neuf fois à une crémaillère, et en même temps il proféra ces mots : « Jette-le dans la mer, holà ! » Le charme produisit son effet, car Jacques, dont la flotte n’avait aperçu la terre qu’en vue du Danemark, déclara que son vaisseau était le seul qui eût le vent contraire.

Le premier acte de ce drame terminé, les sorcières prirent terre, toujours sur leurs cribles, qui leur servirent de coupes dans les nombreuses libations qu’elles firent après le débarquement. Elles se rendirent en procession à l’église de Northberwick (c’était le second rendez-vous que leur maître leur avait assigné). La bande était de plus de cent (Agnès Sampson en désigne trente-deux dans sa révélation) ; elle était précédée par Gellis Duncan, qui chantait en s’accompagnant de la harpe.

Là, leur maître leur apparut sous la forme d’un prédicateur. Le docteur Fian joua le rôle de maître des cérémonies. D’un souffle il fit crier les portes de l’église sur leurs gonds rouillés, et convertit en charbons allumés les cierges qui bordaient la chaire. Greillmeil remplit l’office de portier. Soudain le diable en personne apparut en chaire, couvert d’une robe et d’un chapeau noirs. Voici son portrait, crayonné à la façon du Dante, dans les Mémoires de James Melville : Son corps était dur comme le fer, sa figure terrible, son nez comme le bec de l’aigle, ses yeux comme un brasier ardent, ses mains et ses pieds armés de griffes et sa voix entrecoupée. Il fit d’abord l’appel de sa congrégation. Il demanda ensuite à chacun s’il l’avait fidèlement servi, ce qu’il avait fait depuis la dernière assemblée pour le succès de la grande conjuration contre le roi. Greillmeil, le portier, ayant étourdiment répondu : Rien encore, Dieu merci ! Lucifer lui fit rudement sentir qu’il avait dit une sottise. Il recommanda ensuite expressément à ses disciples de faire au roi tout le mal qu’ils pourraient ; après quoi il quitta la chaire et reçut en partant leurs hommages, accompagnés de cérémonies qu’il serait trop long de décrire ici.

Le sort des insensés qui firent de tels aveux ne pouvait être un instant douteux dans ce siècle de superstition. Fian, dont la vie n’était plus d’aucun prix après tant de souffrances, fut étranglé et livré aux flammes. Agnès Sampson subit le même sort.

Barbara Napier, désignée comme l’un des acteurs dans la scène de Northberwick, acquittée sur ce chef, fut condamnée pour d’autres faits de sorcellerie. La victime la plus digne d’intérêt dans ce drame épouvantable était Euphémie Mac Aizean, fille de lord Clistonhall, douée d’un esprit ferme, animée de passions ardentes, zélée catholique, ennemie jurée de Jacques et de la réforme.

On établit nécessairement qu’elle avait eu des rapports intimes avec des sorciers, et qu’elle avait employé leur assistance pour se défaire des personnes qui contrariaient sa perversité. Son acte d’accusation là charge d’un tissu de maléfices ou de tentatives de crime. Acquittée sur quelques chefs par le jury, elle fut convaincue d’avoir participé à d’anciens meurtres, et d’avoir assisté à la convention de Northberwick et à d’autres assemblées de sorciers conjurés contre la vie du roi. La peine de crimes semblables était d’être étranglé à un poteau et ensuite livré aux flammes : elle fut condamnée à être brûlée vive, supplice qu’elle subit avec un grand courage le 25 juin 1591. Telle fut l’impression produite par ces scènes sur l’esprit du Salomon écossais qu’elles lui inspirèrent un projet de statut amendant la procédure contre les sorciers et son bizarre Traité de démonologie[1].

Jade. Pierre à laquelle les Indiens attribuaient, entre autres propriétés merveilleuses, celles de soulager les douleurs de reins, quand on l’y appliquait, et de faire écouler le sable de la vessie. Ils la regardaient aussi comme un remède souverain contre l’épilepsie, et s’étaient persuadé que, portée en amulette, elle était un préservatif contre les morsures des bêtes venimeuses. Ces prétendues propriétés lui avaient donné la vogue à Paris il y a quelques années ; mais cette pierre prodigieuse a perdu sa réputation, et ses grandes vertus sont mises au rang des fables.

Jagghernat, horrible idole de l’Inde ; nous allions dire imprudemment divinité, car on abuse des mots. Mais ce n’est qu’un démon et des pires. Le sang et la mort sont ses délices ; et quand les Anglais se disent effrontément les civilisateurs du monde, Jagghernat règne encore. Voici ce qu’on

  1. Extrait de la Foreign Quarterly Review, juillet 1830.