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tradition des riverains de la mer Baltique, mentionnée par M. Marmier.

Illuminés, sorte de francs-maçons d’Allemagne, qui croient avoir la seconde vue et qui prophétisent. On connaît peu leur doctrine, qui est vague et libre ; mais ils ont eu des prédécesseurs. En 1575, Jean de Villalpando et une carmélite, nommée Catherine de Jésus, établirent une secte d’illuminés, que l’inquisition de Cordoue dispersa. Pierre Guérin les ramena en France en 1634. Ils prétendaient que Dieu avait révélé à l’un d’entre eux, le frère Antoine Bocquet, une pratique de vie et de foi suréminente, au moyen de laquelle on devenait tellement saint, qu’on ne faisait plus qu’un avec Dieu, et qu’alors on pouvait sans péché se livrer à toutes ses passions. Ils se flattaient d’en remontrer aux apôtres, à tous les saints et à toute l’Église. Louis XIII dissipa cette secte de fous. Voy. Saint Martin.

Images de cire. Ceux qui faisaient des images de cire pour l’envoûtement les baptisaient au nom de Béelzébub ; puis ils les perçaient de coups de stylet ou les brûlaient, dans la pensée que la personne dont l’image portait le nom subissait le traitement de l’image. Cette sorcellerie était connue des anciens. Voy. Envoûtement, Duffus, Eberard, Henri III, etc.

Imagination. Les rêves, les songes, les chimères, les terreurs paniques, les superstitions, les préjugés, les prodiges, les châteaux en Espagne, le bonheur, la gloire et plusieurs contes d’esprits et de revenants, de sorciers et de diables, sont ordinairement les enfantements de l’imagination. Son domaine est immense, son empire est despotique ; une grande force d’esprit peut seule en réprimer les écarts. Un Athénien, ayant rêvé qu’il était devenu fou, en eut l’imagination tellement frappée, qu’à son réveil il fit des folies comme il croyait devoir en faire, et perdit en effet la raison. On connaît l’origine de la fièvre de Saint-Vallier. À cette occasion, Pasquier parle de la mort d’un bouffon du marquis de Ferrare, nommé Gonelle, qui, ayant entendu dire qu’une grande peur guérissait de la fièvre, voulut guérir de la fièvre quarte le prince son maître, qui en était tourmenté. Pour cet effet, passant avec lui sur un pont assez étroit, il le poussa et le fit tomber dans l’eau au péril de sa vie. On repêcha le souverain, et il fut guéri. Mais, jugeant que l’indiscrétion de Gonelle méritait quelque punition, il le condamna à avoir la tête coupée, bien résolu cependant à ne pas le faire mourir. Le jour de l’exécution, il lui fit bander les yeux, et ordonna qu’au lieu d’un coup de sabre on ne lui donnât qu’un petit coup de serviette mouillée ; l’ordre fut exécuté et Gonelle délié aussitôt après ; mais le malheureux bouffon était mort de peur. Est-ce vrai ? Mais Pasquier a fait tant de contes ! Héquet parle d’un homme qui, s’étant couché avec les cheveux noirs, se leva le matin avec les cheveux blancs, parce qu’il avait rêvé qu’il était condamné à un supplice cruel et infamant. Dans le Dictionnaire de police de des Essarts, on trouve l’histoire d’une jeune fille à qui une sorcière prédit qu’elle serait pendue ; ce qui produisit un tel effet sur son esprit, qu’elle mourut suffoquée la nuit suivante. Athénée raconte que quelques jeunes gens d’Agrigente étant ivres, dans une chambre de cabaret, se crurent sur une galère, au milieu de la mer en furie, et jetèrent par les fenêtres tous les meubles de la maison, pour soulager le bâtiment. Il y avait à Athènes un fou qui se croyait maître de tous les navires qui entraient dans le Pirée, et il donnait ses ordres en conséquence. Horace parle d’un autre fou qui croyait toujours assistera un spectacle, et qui, suivi d’une troupe de comédiens imaginaires, portait un théâtre dans sa tête, où il était tout à la fois et l’acteur et le spectateur. On voit chez les maniaques des choses aussi singulières ; tel s’imagine être un moineau, un vase de terre, un serpent ; tel autre se croit un dieu, un orateur, un Hercule. Et parmi les gens qu’on dit sensés, en est-il beaucoup qui maîtrisent leur imagination, et se montrent exempts de faiblesses et d’erreurs ? Plusieurs personnes mordues par des chiens ont été très-malades parce que, les supposant atteints de la rage, elles se croyaient menacées où déjà affectées du même mal. La Société royale des sciences de Montpellier rapporte, dans un mémoire publié en 1730, que, deux

 
Imagination
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frères ayant été mordus par un chien enragé, l’un d’eux partit pour la Hollande, d’où il ne revint qu’au bout dix ans. Ayant appris, à son retour, que son frère, depuis longtemps, était mort hydrophobe, il se sentit malade et mourut lui-même enragé par la crainte de l’être.

Voici un fait qui n’est pas moins extraordinaire : un jardinier rêva qu’un grand chien noir l’avait mordu. Il ne pouvait montrer aucune trace de morsure ; sa femme, qui s’était levée au premier cri, lui assura que toutes les portes étaient bien fermées et qu’aucun chien n’avait pu entrer. Ce fut en vain ; l’idée du gros chien noir restait toujours présente à son imagination ; il croyait