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HOU
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Houille. Le charbon de terre qui se trouve dans le Hainaut et dans le pays de Liège, et que l’on y brûle communément, porte le nom de houille, à cause d’un certain maréchal nommé Prudhomme-le-Houilleux, qui, dit-on, en fit la première découverte au onzième siècle ; et des doctes assurent qu’un fantôme, sous la figure d’un vieillard habillé de blanc, ou sous celle d’un ange, lui montra la première mine et disparut.

D’autres contes populaires font intervenir un gnome ou un gobelin dans la découverte de la houille, qui eut lieu au douzième siècle, selon les uns, au onzième, selon d’autres, mais qui est beaucoup plus ancienne[1] ; car il en est question dans Job.

Houmani, génie femelle qui gouverne la région des astres chez les Orientaux. Voy. SchadaSchivaoun.

Houris, vierges merveilleuses du paradis de Mahomet ; elles naîtront des pépins de toutes les oranges servies aux fidèles croyants dans ce séjour fabuleux. Il y en aura de blanches, de jaunes, de vertes et de rouges. Leur crachat sera nécessairement parfumé.

Hrachich, matière enivrante qui produit des hallucinations singulières. Sa préparation n’est pas un secret ; les Arabes nous ont appris que ce qui causait l’ivresse n’était autre chose que de là graine et de la racine de chanvre infusées, qu’on fait bouillir dans du beurre, et dont on forme une friandise en la mêlant avec du sucre, des amandes ou des pistaches. On le vend en tablettes grandes comme la main, et la moitié suffit pour procurer l’ivresse. On le prend aussi en liqueur. Voici une anecdote qui a été racontée dans le Sémaphore de Marseille :

« Quatre jeunes gens de notre ville ont voulu ces jours derniers, à leurs risques et périls, s’expérimenter sur le hrachich ; mais leur curiosité a failli leur être funeste. On s’était réuni dans une bastide des environs de Saint-Loup ; M. B…, négociant d’Alexandrie, fournissait le hrachich, et aidait de ses conseils l’inexpérience de ses trois compagnons. Avant toute chose, on prit du café, du café ordinaire, et on mit dans chaque tasse deux ou trois morceaux de sucre raffiné tout simplement ; puis on passa au hrachich. Chaque convive avala courageusement sa cuillerée ; le poison n’était pas mauvais au goût, au contraire, il fut trouvé fort agréable ; immédiatement après on se mit à table, et ce ne fut que vers la fin du repas que se manifestèrent chez nos amis de vrais symptômes de désorganisation cérébrale, précurseurs des hallucinations étranges qui allaient bientôt les assaillir.

» La première impression physique qu’on reçoive distinctement en se permettant cette débauche, est celle-ci : un grand coup de bâton qu’on vous assène sur la nuque ; c’est l’initiation, et il faut convenir qu’elle est parfaitement turque. Mais la transition de l’état normal à l’extase consiste à sentir sa tête se détacher doucement du corps et prendre une vie joyeusement séparée de ce grossier amas de matières qu’elle n’a plus besoin de gouverner. La tête se soutient en l’air d’une façon fantastique, comme celle des chérubins dans les églises au milieu des nuages ; après quoi tout est bouleversé, et le désordre s’empare de l’esprit, plus ou moins, selon les tempéraments et en raison de l’habitude.

» À la bastide de M. B…, eut lieu une scène comique et douloureuse à la fois ; sitôt que ces messieurs arrivèrent à cette période de l’influence du hrachich, M. B… lui-même, jeune homme connu par sa gaieté expansive et franche, et par une organisation ardente, se prit à pleurer et à sangloter dans d’effrayantes convulsions ; M. V… d’une complexion délicate et nerveuse, se crut mort ; il s’étendit sur le plancher et croisa ses mains sur sa poitrine ; il lui semblait qu’on l’avait placé sur un catafalque noir dans une chapelle ardente ; il entendait les chants des moines, et à travers cela les coups de marteau qui clouaient le cercueil dans lequel il était renfermé. Un autre se persuada qu’il avait des ailes, il s’élança hors de la chambre, et franchissant les degrés comme un oiseau, il alla se poser sur la table du salon au rez-de-chaussée. À cette table dînaient plusieurs dames de la famille de M. B…, qu’on n’avait pas voulu, par convenance, rendre témoins des effets du hrachich. Qu’on se figure le désastre !… les plats, les cristaux, les bouteilles renversés et brisés, et l’effroi de ces dames !… Force fut d’aller chercher du secours dans le voisinage. Les amis arrivèrent de tous côtés et on parvint, à grand’peine, à maîtriser les plus furieux.

» Il serait trop long d’entrer dans le récit détaillé du drame qui se déroula bien avant dans la nuit chez M. B… Il suffit de savoir que ces messieurs furent livrés durant leur longue excitation, aux conceptions les plus folles, aux fantaisies les plus bizarres, aux féeries les plus étincelantes. À les voir dans l’état où ils étaient, tous les assistants consternés les croyaient pour jamais privés de la raison. Le jeune négociant d’Alexandrie, qui avait une mince lueur de perception au sein du désordre général, gémissait au fond de l’âme du triste résultat de la partie, et craignait de les avoir empoisonnés tout de bon. Cependant deux d’entre eux en ont été quittes pour cinq ou six jours de douleurs de tête, sans compter l’atonie morale qu’ils n’ont pas encore tout à fait secouée ; M. V… seul se trouva beaucoup plus fatigué que les autres. Une véritable congestion cérébrale a mis ses jours en danger, et il ne s’en est tiré que

  1. Voyez la légende du houilleur, dans les Légendes des esprits et des démons.