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qu’on révérait auprès d’Upsal. Il lui fut répondu que s’il voulait sacrifier le seul fils qui lui restait, il vivrait et régnerait encore soixante ans. Il y consentit, et ses dieux lui tinrent parole. Bien plus, sa vigueur se ranima à l’âge de cent cinquante ans ; il eut un fils à nouveau et successivement cinq autres, depuis cent cinquante ans jusqu’à cent soixante. Se voyant près d’arriver à son terme, il tâcha encore de le prolonger ; et les oracles lui répondirent que s’il sacrifiait l’aîné de ses enfants, il régnerait encore dix ans ; il le fit. Le second lui valut dix autres années de règne, et ainsi de suite jusqu’au cinquième. Enfin il ne lui restait plus que celui-là ; il était d’une caducité extrême, mais il vivait toujours ; ayant voulu sacrifier encore ce dernier rejeton de sa race, le peuple, lassé du monarque et de sa barbarie, le chassa du trône ; il mourut, et son fils lui succéda. Delancre dit que ce monarque était grand sorcier, et qu’il combattait ses ennemis à l’aide des éléments. Par exemple il leur envoyait de la pluie ou de la grêle.

Haridi, serpent honoré à Akhmin, ville d’Égypte. Il y a quelques siècles qu’un derviche nommé Haridi y mourut ; on lui éleva un tombeau, surmonté d’une coupole, au pied de la montagne ; les peuples vinrent lui adresser des prières. Un autre derviche profita de la crédulité des bonnes gens, et leur dit que Dieu avait fait passer l’esprit du défunt dans le corps d’un serpent. Il en avait apprivoisé un de ceux qui sont communs dans la Thébaïde et qui ne font pas de mal ; ce reptile obéissait à sa voix. Le derviche mit à l’apparition de son serpent tout l’appareil du charlatanisme ; il éblouit le vulgaire et prétendit guérir toutes les maladies. Quelques succès lui donnèrent la vogue. Ses successeurs n’eurent pas de peine à soutenir une imposture lucrative ; ils s’enrichirent en donnant à leur serpent l’immortalité et poussèrent l’impudence jusqu’à en faire un essai public ; le serpent fut coupé en morceaux en présence de l’émir, et déposé sous un vase pendant deux heures. À l’instant où le vase fut levé, les serviteurs du derviche eurent sans doute l’adresse d’en substituer un semblable ; on cria au prodige, et l’immortel Haridi acquit un nouveau degré de considération.

Paul Lucas raconte que, voulant s’assurer des choses merveilleuses que l’on racontait de cet animal, il fit pour le voir le voyage d’Akhmin ; qu’il s’adressa à Assan-Bey, lequel fit venir le derviche avec le serpent ou l’ange, car tel est le nom qu’on lui donnait, et que ce derviche tira de son sein en sa présence l’animal merveilleux. C’était, ajoute-t-il, une couleuvre de médiocre grosseur et qui paraissait fort douce.

Haro, famille noble d’Espagne, qui prétend descendre d’une fée.

Harold-Germson, roi de Norvège qui, voulant châtier l’Islande, envoya un habile et savant troldman (magicien) espionner le pays après avoir étudié ses abordages. Le troldman, pour n’être pas deviné, se changea en baleine, et nagea vers l’Islande. Il vit venir à lui dans une nacelle un Islandais qui, étant aussi magicien, le reconnut sous son déguisement ; le prétendu batelier siffla ; et les ladwaiturs, génies protecteurs de l’Islande, dûment avertis, s’élancèrent en formes de dragons et firent tomber sur la baleine une trombe de venin. Le troldman déguisé s’échappa et courut dans un autre site sous la forme d’un énorme oiseau. Le magicien islandais l’attaqua avec une pique ; l’oiseau blessé tomba ; le troldman en sortit encore et se métamorphosa en un taureau monstrueux ; c’était auprès de Bridafort ; échouant de nouveau, il reparut en géant ; mais toujours sans succès ; et Harold-Germson ne put avoir les renseignements qu’il voulait.

Tout ce récit nous vient d’une saga due à un vieux barde idolâtre, et c’est une altération de la vérité. Il s’agit là des efforts que firent les rois Scandinaves Olof Triggvason et Harald ou Harold-Germson pour convertir l’Islande au christianisme. Ce ne furent pas des magiciens, mais des missionnaires qu’ils y envoyèrent ; et il fallut des efforts immenses pour établir dans cette île sauvage un peu de christianisme, qui depuis est tombé, avec celui des autres pays du Nord, dans le luthéranisme, tout en conservant ses magiciens ou sorciers, qui florissent encore de nos jours[1].

Harpe. Chez les Calédoniens, lorsqu’un guerrier célèbre était exposé à un grand péril, les harpes rendaient d’elles-mêmes un son lugubre et prophétique ; souvent les ombres des aïeux du guerrier en pinçaient les cordes. Les bardes alors commençaient un chant de mort, sans lequel aucun guerrier n’était admis dans le palais de nuages, et dont l’effet était si salutaire que les fantômes retournaient dans leur demeure pour y recevoir avec empressement et revêtir de ses armes fantastiques le héros décédé.

Harppe. Thomas Bartholin, qui écrivait au dix-septième siècle, raconte, après une ancienne magicienne nommée Landela, dont l’ouvrage n’a jamais été imprimé, un trait qui doit être du treizième siècle ou du quatorzième. — Un homme du Nord, qui se nommait Harppe, étant à l’article de la mort, ordonna à sa femme de le faire enterrer tout debout devant la porte de sa cuisine, afin qu’il ne perdît pas tout à fait l’odeur des ragoûts qui lui étaient chers, et qu’il pût voir à son aise ce qui se passerait dans sa maison. La veuve exécuta docilement et fidèlement ce que son mari lui avait commandé. Quelques semaines après la mort de Harppe, on le vit souvent apparaître, sous la forme d’un fantôme hideux, qui tuait les

  1. Voyez la belle et savante introduction de M. Léouzon-le-Duc à sa traduction du Glaive runique de Nicander.