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quelques arrangements à faire dans le cabinet d’histoire naturelle qui était de son ressort, aperçut en entrant dans la salle l’ombre de M. de Maupertuis, debout et fixe dans le premier angle à main gauche et ses yeux braqués sur lui. Il était trois heures de l’après-midi. Le professeur de philosophie en savait trop sur sa physique pour supposer que son président, mort à Bâle dans la famille de Bernouilli, serait revenu à Berlin en personne. Il ne regarda la chose que comme une illusion provenant du dérangement de ses organes. Il continua de s’occuper de ses affaires sans s’arrêter plus longtemps à cet objet. Mais il raconta cette vision à ses confrères, les assurant qu’il avait vu une figure aussi bien formée et aussi parfaite que M. de Maupertuis lui-même aurait pu la présenter.

Voici un autre petit fait : Un prince, s’étant imaginé qu’il était mort, ne voulut plus prendre de nourriture, quelque chose qu’on lui dît pour lui persuader qu’il vivait. Cette diète hors de raison faisait craindre avec justice des suites fâcheuses, et l’on commençait à perdre toute espérance, lorsqu’un des principaux officiers s’avisa de faire habiller trois valets de chambre en sénateurs romains, tels qu’on les voit représenter sur les théâtres, et les fit placer à une table garnie d’excellents mets, qu’il fit dresser dans la chambre où le prince était couché : le prince voyant cet appareil demanda qui étaient ces étrangers ? « Ce sont, dit l’officier, Alexandre, César et Pompée. — Comment ! répliqua le prince, ils sont morts, et les morts ne mangent point. — Il est vrai, répondit-il, qu’ils sont morts, mais ils mangent de bon appétit. — Si cela est, dit le prince, qu’on me mette mon couvert, je veux manger avec eux. » Ce mort d’imagination se leva, mangea avec ses illustres convives, et cette invention de son officier lui fit recouvrer la santé du corps et de l’esprit qui était en grand danger[1].

Halphas, grand comte des enfers. Il paraît sous la forme d’une cigogne, avec une voix bruyante. Il bâtit des villes, ordonne les guerres et commande vingt-six légions[2]. C’est peut-être le même que Malphas.

Haltias. Les Lapons donnent ce nom aux vapeurs qui s’élèvent des lacs, et qu’ils prennent pour les esprits auxquels est commise la garde des montagnes.

Hamlet, prince de Danemark, à qui apparut le spectre de son père pour demander une vengeance dont il se chargea. Shakspeare a illustré cette sombre histoire. On montre toujours sur une colline voisine d’Elseneur la tombe d’Hamlet, que des croyances peureuses entourent et protègent.

Hammerlein. C’est le nom que donnait au démon qui le dominait un possédé cité par Brognoli dans son Alexiacon, Cet homme ne put être délivré.

Handel, célèbre musicien saxon. Se trouvant en 1700 à Venise, dans le temps du carnaval, il joua de la harpe dans une mascarade. Il n’avait alors que seize ans, mais son nom dans la musique était déjà très-connu. Dominique Scarlati, habile musicien d’alors sur cet instrument, l’entendit et s’écria : « Il n’y a que le Saxon Handel ou le diable qui puisse jouer ainsi… »

Hanneton. Il y a dans la Cafrerie une sorte de hanneton qui porte bonheur quand il entre dans une hutte. On lui sacrifie des brebis. S’il se pose sur un nègre, le nègre en devient tout fier.

Hannon, général carthaginois, distingué par cette fourberie : il nourrissait des oiseaux à qui il apprenait à dire : Hannon est un dieu ; puis il leur donnait la liberté.

Hantise, fréquentation. Le mot hanter est toujours pris en mauvaise part : « Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es. » Les maisons où paraissent des démons s’appellent des maisons hantées. Sous le titre de la Maison hantée, le comte Yermolof a écrit avec beaucoup de charme une tradition de Moscou. Cette maison avait été habitée par un alchimiste qui évoquait les esprits élémentaires. Une salamandre la hantait, et on disait que depuis qu’elle avait brûlé quelques-uns des évocateurs, elle gémissait tous les jours à minuit, sans qu’on vît jamais rien et sans qu’on pût rien découvrir dans la chambre où l’alchimiste avait opéré.

Hapi. Voy. Apis.

Haquart. Rémi, dans sa Démonologie, rapporte qu’une sorcière nommée Françoise Haquart, condamnée au feu en 1587, avait livré sa fille Jeanne au démon lorsqu’elle n’avait encore que sept ans. Une femme chrétienne se chargea de cette enfant, et pour la protéger contre le démon, elle la mit coucher entre deux pieuses servantes. Mais, à la vue de tous les voisins, elle fut enlevée et resta longtemps suspendue en l’air, pendant que les servantes criaient : « Seigneur Jésus, sauvez-nous. » Elle resta huit jours sans prendre aucun aliment, et on ne la délivra que par l’exorcisme.

Haquin. Les anciennes histoires Scandinaves font mention d’un vieux roi de Suède, nommé Haquin, qui commença à régner au troisième siècle et ne mourut qu’au cinquième, âgé de deux cent dix ans, dont cent quatre-vingt-dix de règne. Il avait déjà cent ans lorsque, ses sujets s’étant révoltés contre lui, il consulta l’oracle d’Odin

  1. Un tableau de Restout, peintre célèbre, mort en 1768, donna lieu à une aventure assez plaisante. Le tableau représentait la destruction du palais d’Armide. Un Suisse, qui était dans le vin, se passionna pour ce palais, à peu près comme don Quichotte pour don Galiféros et la belle Mélissande. Il prit son sabre, et frappant à grands coups sur les démons qui démolissaient cet édifice, il détruisit l’effet magique du tableau et le tableau lui-même.
  2. Wierus, in Pseudomonarchia dœm.