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l’organe de la constance et de la fermeté se manifeste par une protubérance placée derrière la tête, au-dessous de l’organe de la fierté.

Ce système du docteur Gall a eu, comme on l’a dit, de nombreux partisans, mais il n’a guère eu moins d’ennemis. Quelques-uns l’ont comparé aux rêveries de certains physionomistes, quoiqu’il ait, en apparence du moins, un fondement moins chimérique. On a vu cent fois le grand homme et l’homme ordinaire se ressembler par les traits du visage, et jamais, dit-on, le crâne du génie ne ressemble à celui de l’idiot. Peut-être le docteur Gall a-t-il voulu pousser trop loin sa doctrine, et on peut s’abuser en donnant des règles invariables sur des choses qui ne sont pas toujours constantes. Un savant de nos jours a soutenu, contre le sentiment du docteur Gall, que les inclinations innées n’existaient pas dans les protubérances du crâne, puisqu’il dépendrait alors du bon plaisir des sages-femmes de déformer les enfants, et de les modeler, dès leur naissance, en idiots ou en génies ; mais le docteur Gall trouve cette objection risible, parce que, quand même on enfoncerait le crâne par exemple à un endroit où se trouve un organe précieux, cet organe comprimé se rétablirait peu à peu de lui-même, et parce que le cerveau résiste à toute pression extérieure par l’élasticité des tendres filets, et qu’aussi longtemps qu’il n’a pas été écrasé ou totalement détruit, il fait une répression suffisante. Cependant Blumenbach écrit que les Caraïbes pressent le crâne de leurs enfants avec une certaine machine, et donnent à la tête la forme propre à ce peuple. Les naturalistes placent aussi les qualités de l’esprit, non dans les protubérances, mais dans la conformation du crâne, et plusieurs prétendent qu’un soufflet ou une pression au crâne de Corneille venant de naître en eût pu faire un imbécile. On voit d’ailleurs des gens qui perdent la raison ou la mémoire par un coup reçu à la tête. Au surplus, le docteur Fodéré parle, dans sa Médecine légale, de voleurs et de fous sur le crâne desquels on n’a point remarqué les protubérances du vol ni celles de la folie. Ajoutons que le crâne de Napoléon Ier avait des bosses qui ont fort intrigué les phrénologistes.

Gamahé ou Camaieu, espèce de talisman qui consiste dans des images ou des caractères naturellement gravés sur certaines pierres, auxquels la superstition a fait attribuer de grandes vertus, parce qu’elle les croit produits par l’influence des esprits. Gaffarel dit qu’Albert le Grand avait une de ces pierres, sur laquelle était un serpent qui possédait cette admirable vertu d’attirer les autres serpents lorsqu’on la plaçait dans le lieu où ils venaient. D’autres pierres, ajoutet-il, guérissent les morsures et chassent les venins. Georges Agricola rapporte qu’on voit des. Gamahés de la forme de quelques parties du corps, ou de quelques plantes, et qui ont des vertus merveilleuses ; ainsi celles qui représentent du sang arrêtent les pertes, etc.

Gamoulis, esprits qui, selon les habitants du Kamtschatka, produisent les éclairs, en se lançant dans leurs querelles les tisons à demi consumés qui ont chauffé leurs huttes. Lorsqu’il tombe de la pluie, ce sont les Gamoulis qui rejettent le superflu de la boisson.

Gamygyn, grand marquis des enfers. C’est un puissant démon. On le voit sous la forme d’un petit cheval. Mais dès qu’il prend celle d’un homme, il a une voix rauque et discourt sur les arts libéraux. Il fait paraître aussi devant l’exorciste les âmes qui ont péri dans la mer, et celles qui souffrent dans cette partie du purgatoire qui est appelée Cartagra (c’est-à-dire affliction des âmes). Il répond clairement à toutes les questions qu’on lui fait ; il reste auprès de l’exorciste jusqu’à ce qu’il ait exécuté tout ce qu’on lui ordonne ; cependant là-bas, trente légions lui sont soumises[1].

Gandillon (Pierre), sorcier de la FrancheComté, qui fut brûlé vers 1610, pour avoir couru la nuit en forme de lièvre[2].

Gandreid, sorte de magie en usage chez les Islandais, laquelle magie donne la faculté de voyager dans les airs ; elle est, dit-on, d’invention nouvelle, quoique le nom en soit connu depuis des temps reculés. Mais on attribuait autrefois les cavalcades aériennes au diable et à de certains esprits. Les Islandais prétendent aujourd’hui que ce sont des sorcières montées sur des côtes de cheval et des tibias, en guise de manche à balais, qui se promènent par les airs. Les sorcières de basse Saxe et du duché de Brunswick se mettent à califourchon sur la même monture ; et tous les autres ossements qui se trouvent dans la campagne se pulvérisent à l’approche de l’un de ces cavaliers nocturnes. L’art de préparer leur équipage consiste dans une courroie d’une espèce de cuir qu’ils appellent Gandreid-Jaum, sur laquelle ils impriment leurs runes ou caractères magiques[3].

Ganelon. Voy. Guinefort.

Ganga-Gramma, démon femelle que les Indiens craignent beaucoup, et par conséquent auquel ils rendent de grands honneurs. Il a une seule tête et quatre bras ; il tient dans la main gauche une petite jatte, et dans la droite une fourchette à trois pointes. On le mène en procession sur un char avec beaucoup de pompe ; quelquefois il se trouve des fanatiques qui se font écraser par dévotion sous ses roues. Les boucs sont les victimes ordinaires qu’on lui immole. Dans les maladies ou dans quelque autre danger, il se trouve des Indiens qui font vœu, s’ils en

  1. Wierus, De prœst. dœm., p. 926.
  2. M. Garinet, Hist. de la magie en France, p. 466.
  3. Voyage en Islande, traduit du danois, etc., 1802.