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FEU
FÈV
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Ce n’est sans doute pas là le feu grégeois d’Archimède.

Feu Saint-Elme, ou Feu Saint-Germain, ou Feu Saint-Anselme. Le prince de Radzivill, dans son Voyage de Jérusalem, parle d’un feu qui parut plusieurs fois au haut du grand mât du vaisseau sur lequel il était monté ; il le nommait feu Saint-Germain ; d’autres, feu Saint-Elme, et feu Saint-Anselme. Les païens attribuaient ce prodige à Castor et Pollux, parce que quelquefois il paraît double. Les physiciens disent que ce n’est qu’une exhalaison enflammée. Mais les anciens croyaient y voir quelque chose de surnaturel et de divin[1].

Feux follets. On appelle feux follets, ou esprits follets, ces exhalaisons enflammées que la terre, échauffée par les ardeurs de l’été, laisse échapper de son sein, principalement dans les longues nuits de l’Avent ; et, comme ces flammes roulent naturellement vers les lieux bas et les


marécages, les paysans, qui les prennent pour de malins esprits, s’imaginent qu’ils conduisent au précipice le voyageur égaré que leur éclat éblouit, et qui prend pour guide leur trompeuse lumière. Olaùs Magnus dit que les voyageurs et les bergers de son temps rencontraient des esprits follets qui brûlaient tellement l’endroit où ils passaient qu’on n’y voyait plus croître ni herbe ni verdure[2]. Chez les Russes et chez les Polonais, les feux follets sont les âmes des morts.

Un jeune homme, revenant de Milan pendant une nuit fort noire, fut surpris en chemin par un orage ; bientôt il crut apercevoir dans le lointain une lumière et entendre plusieurs voix à sa gauche ; peu après il distingua un char enflammé qui accourait à lui, conduit par des bouviers dont les cris répétés laissaient entendre ces mots : Prends garde à toi ! Le jeune homme épouvanté pressa son cheval ; mais plus il courait, plus le char le serrait de près. Enfin, après une heure de course, il arriva, en se recommandant à Dieu de toutes ses forces, à la porte d’une église où tout s’engloutit. Cette vision, ajoute Cardan, était le présage d’une grande peste qui ne tarda pas à se faire sentir, accompagnée de plusieurs autres fléaux. Cardan était enfant lorsqu’on lui raconta cette histoire, de sorte qu’il peut aisément l’avoir dénaturée. Le jeune homme qui eut la vision n’avait que vingt ans ; il était seul, il avait éprouvé une grande frayeur. Quant à la peste qui suivit, elle était occasionnée, aussi bien que l’exhalaison, par une année de chaleurs extraordinaires. Voy. Elfs, Jack of Lantern, etc.

Un des habitants de Cardigan, en Écosse, eut une vision de follets qui ne paraît pas tant une illusion. Elle est rapportée par Barter, dans son livre De la certitude des esprits. S’étant réveillé une nuit après minuit sonné, il vit entrer successivement, un à un, dans sa chambre, douze feux follets qui avaient forme de femmes portant de petits enfants. Sa chambre en était parfaitement éclairée. Les follets, après avoir dansé, s’assirent autour d’un tapis et parurent se disposer à souper. Ils l’invitèrent même à venir manger avec eux ; et comme il priait pendant cette vision, une voix lui dit de n’avoir pas peur. Au bout de quatre heures la vision disparut. Celui qui l’avait eue jura qu’il était bien éveillé et qu’il n’était pas le jouet d’une illusion. C’était un homme de bon sens et qui méritait confiance.

Féval (Paul), auteur de la belle légende intitulée la Femme blanche des marais, de la Fée des grèves et Du fils du diable. 1846. Ce dernier ouvrage est moins recommandable.

Fèves. Pythagore défendait à ses élèves de manger des fèves, légume pour lequel il avait une vénération particulière, parce qu’elles servaient à ses opérations magiques et qu’il savait bien qu’elles étaient animées. On dit qu’il les faisait bouillir ; qu’il les exposait ensuite quelques nuits à la lune, jusqu’à ce qu’elles vinssent à se convertir en sang, dont il se servait pour écrire sur un miroir convexe ce que bon lui semblait. Alors, opposant ces lettres à la face de la lune quand elle était pleine, il faisait voir à ses amis éloignés, dans le disque de cet astre, tout ce qu’il avait écrit sur son miroir… Pythagore avait puisé ses idées sur les fèves chez les Égyptiens, qui ne touchaient pas à ce légume, s’imaginant qu’il servait de refuge à certaines âmes, comme les oignons servaient de logement à certains dieux. On conte qu’il aima mieux se laisser tuer par ceux qui le poursuivaient que de se sauver à travers un champ de fèves. C’est du moins une légende borgne très-répandue. Quoi qu’il en soit, on offrait chez les anciens des fèves noires aux divinités infernales.

Il y avait en Égypte, aux bords du Nil, de petites pierres faites comme des fèves, lesquelles mettaient en fuite les démons. N’étaient-ce pas

  1. DomCalmet, Dissert. sur les apparitions, p. 88.
  2. Dom Calmet, Dissert. sur les apparitions, p. 109.