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consacré aux réjouissances publiques et à enrichir les bayadères qui dansent devant la déesse.

Les Anglais n’ont jamais porté la lumière dans ces hideuses ténèbres ; et ils n’ont rien fait pour empêcher ces abominations.

Fétiches, divinités des nègres de Guinée. Ces divinités varient : ce sont des animaux desséchés, des branches d’arbres, des arbres mêmes, des montagnes, ou toute autre chose. Ils en ont de petits qu’ils portent au cou ou au bras, souvent des coquillages. Ils honorent un arbre qu’ils appellent l’arbre des fétiches ; ils placent au pied une table couverte de vin de palmier, de riz et de millet. — Cet arbre est un oracle que l’on consulte dans les occasions importantes ; il ne manque jamais de faire connaître sa réponse par l’organe d’un chien noir, qui est le diable, selon nos démonographes. — Un énorme rocher nommé Tabra, qui s’avance dans la mer en forme de presqu’île, est le grand fétiche du cap Corse. On lui rend des honneurs particuliers, comme au plus puissant des fétiches. — Au Congo, personne ne boit sans faire une oblation à son principal fétiche, qui est souvent une défense d’éléphant.

Nous empruntons ce qui suit à la Revue coloniale:

« Dans les deux Guinées règne partout un affreux fétichisme, avec un cortège de superstitions ridicules, dégradantes et parfois cruelles. La métempsycose, la polygamie, le divorce, les sacrifices humains et même souvent l’anthropophagie sont consacrés par la religion.

» Pour comprendre la force et l’influence des idées et des pratiques superstitieuses de ces peuples, il est bon de faire observer qu’elles font partie intégrante de leur état social, et que les fétichistes, pas plus que les mahométans, n’établissent de distinction entre l’ordre politique et l’ordre religieux. Chez eux les idées et les pratiques religieuses sont l’essence de leur état social. Aussi le culte de leurs fétiches ou génies protecteurs se révèle partout, dans la vie publique comme dans la vie individuelle. Ainsi il y a le fétiche du royaume, celui du village, celui de la famille, celui de l’individu.

» C’est au nom du fétiche que les chefs gouvernent, qu’ils jugent les litiges, qu’ils règlent le commerce et même l’usage des aliments. C’est au nom du fétiche que le maître exerce sur son esclave son droit de vie et de mort, et que la chair humaine devient l’aliment de l’homme. C’est au fétiche supposé irrité qu’on immole des victimes humaines pour l’apaiser.

» Les formes sous lesquelles le fétiche est honoré varient selon les pays. Tantôt c’est sous la figure d’un animal, tel que le lézard, le cheval, l’hyène, le tigre, le vautour et plus souvent le serpent ; tantôt c’est sous la forme d’un arbre ou d’une plante dont l’espèce devient sacrée ; tantôt, enfin, c’est sous l’image d’une statuette de bois à figure humaine. »

Feu. Plusieurs nations ont adoré cet élément. En Perse, on faisait des enclos fermés de murailles et sans toit, où l’on entretenait du feu. Les grands y jetaient des essences et des parfums. Quand un roi de Perse était à l’agonie, on éteignait le feu dans les villes principales du royaume, pour ne le rallumer qu’au couronnement de son successeur. Certains Tartares n’abordent jamais les étrangers qu’ils n’aient passé entre deux feux pour se purifier ; ils ont bien soin de boire la face tournée vers le midi, en l’honneur du feu. Les Jagous, peuple de Sibérie, croient qu’il existe dans le feu un être qui dispense le bien et le mal ; ils lui offrent des sacrifices perpétuels.

On sait que, selon les cabalistes, le feu est l’élément des Salamandres. Voy. ce mot.

Parmi les épreuves superstitieuses qu’on appelait jugements de Dieu, l’épreuve du feu ne doit pas être oubliée. Voy. Fer chaud, Eau bouillante, etc.

Feu de la Saint-Jean. En 1634, à Quimper, en Bretagne, les habitants mettaient encore des sièges auprès des feux de joie de la Saint-Jean, pour que leurs parents morts pussent en jouir à leur aise. — On réserve, en ce pays, un tison du feu de la Saint-Jean pour se préserver du tonnerre. Les jeunes filles, pour être sûres de se marier dans l’année, sont obligées de danser autour de neuf feux de joie dans cette même nuit : ce qui n’est pas difficile, car ces feux sont tellement multipliés dans la campagne qu’elle paraît illuminée. On conserve ailleurs la même opinion qu’il faut garder des tisons du feu de Saint-Jean comme d’excellents préparatifs qui, de plus, portent bonheur. — À Paris, autrefois, on jetait deux douzaines de petits chats (emblèmes du diable sans doute) dans le feu de la Saint-Jean[1] parce qu’on était persuadé que les sorciers faisaient leur grand sabbat cette nuit-là. — On disait aussi que la nuit de la Saint-Jean était la plus propre aux maléfices, et qu’il fallait recueillir alors le trèfle à quatre feuilles, et toutes les autres herbes dont on avait besoin pour les sortilèges.

Feu grégeois. Du terrible feu grégeois et de la manière de le composer. « Ce feu est si violent qu’il brûle tout ce qu’il touche, sans pouvoir être éteint, si ce n’est avec de l’urine, de fort vinaigre ou du sable. On le compose avec du soufre vif, du tartre, de la sarcocole, de la picole, du sel commun recuit, du pentréole et de l’huile commune ; on fait bien bouillir le tout, jusqu’à ce qu’un morceau de toile qu’on aura jeté dedans soit consumé ; on le remue avec une spatule de fer. Il ne faut pas s’exposer à faire cette composition dans une chambre, mais dans une cour ; parce que si le feu prenait, on serait très-embarrassé pour l’éteindre[2]. »

  1. Voyez l’article Chat.
  2. Admirables secrets du Petit Albert, p. 88.