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le sabre et l’arc. À l’entendre, c’était un sipahi, un grand chasseur, un tueur de lions, de tigres, de gazelles… Bientôt, à son commandement, la marionnette lança une flèche et renversa le but disposé devant elle, non pas une fois, mais à plusieurs reprises, à la satisfaction évidente de la jeune assemblée.

» Ce n’était là qu’un préambule, les bagatelles de la porte ! Le jongleur prit une poignée de blé noir (djouari), la mit dans un manteau ; puis, quand on eut bien secoué le manteau, bien vanné le grain, il se trouva changé en un beau riz blanc, pur, prêt à faire un karry. Je n’y avais rien compris, et je commençais à rentrer dans mes habitudes de crédulité lorsque l’escamoteur ambulant étala une seconde marionnette

Escamoleur indien.


longue de six pouces au plus et de la grosseur du poignet. Cette informe poupée épouvanta grandement la partie la plus naïve du public ; mais quelle ne fut pas la surprise générale quand de ce morceau de bois caché sous un mouchoir sortirent successivement jusqu’à quatre gros pigeons ! Ils devaient y être contenus d’avance, à moins de sortilège… Quant à moi, j’aurais eu peine à y introduire quatre moineaux. Notre jongleur accompagnait ses tours de mantras (prières magiques) et traçait des cercles avec sa baguette. Mais il avait sur ses confrères d’Europe un avantage, ou plutôt une supériorité bien marquée ; car il opérait sur le sol, sans table ni gobelets, et complètement nu, sauf le turban et la ceinture que les Hindous ne quittent jamais : donc, pas de manches, pas de gibecière. Son cabinet consistait en quelques mauvais paniers de bambou, destinés à porter les serpents qu’il escamotait aussi et faisait paraître et disparaître