Page:Jacques Collin de Plancy - Dictionnaire infernal.pdf/252

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
ERO
ESC
— 244 —

mains un sceptre surmonté d’une tête de mort. Sa femme s’appelle Samorindo ou Samoundo.

Éroconopes, peuples imaginaires que Lucien représente comme d’habiles archers, montés sur des moucherons monstres.

Érocordacès, autre peuple imaginaire que le même auteur représente combattant avec des raves en guise de flèches.

Éromantie, une des six espèces de divinations pratiquées chez les Perses par le moyen de l’air. Ils s’enveloppaient la tête d’une serviette, exposaient à l’air un vase rempli d’eau et proféraient à voix basse l’objet de leurs vœux. Si l’eau venait à bouillonner, c’était un pronostic heureux.

Érotylos, pierre fabuleuse dont Démocrite et Pline après lui vantent la propriété pour la divination.

Erouniakcha. Dans la mythologie hindoue, c’est un fils de Diti, mère des génies malfaisants. Un jour il prit le monde et le jeta dans la mer. Nous ne chargeons pas, nous copions. Vichnou irrité revêtit pour le combattre la forme d’un sanglier ; ce qui est sa troisième incarnation. Il éventra le fils de Diti et remit le monde à sa place. Voilà des dogmes !

Erreurs populaires. Lorsque le Dante publia son Enfer, la simplicité de son siècle le reçut comme une véritable narration de sa descente dans les sombres manoirs. À l’époque où l’utopie de Thomas Morus parut pour la première fois, elle occasionna une plaisante méprise. Ce roman poétique donne le modèle d’une république imaginaire dans une île qui est supposée avoir été nouvellement découverte en Amérique. Comme c’était le siècle, dit Granger, Buddée et d’autres écrivains prirent le conte pour une histoire véritable et regardèrent comme une chose importante qu’on envoyât des missionnaires dans cette île. — Ce ne fut que longtemps après la publication des Voyages de Gulliver, par Swift, qu’un grand nombre de ses lecteurs demeurèrent convaincus qu’ils étaient fabuleux[1].

Les erreurs populaires sont en si grand nombre qu’elles ne tiendraient pas toutes dans ce livre. Nous ne parlerons pas des erreurs physiques ou des erreurs d’ignorance : nous ne nous élèverons ici que contre les erreurs enfantées par les savants. Ainsi Cardan eut des partisans lorsqu’il débita que, dans le nouveau monde, les gouttes d’eau se changent en petites grenouilles vertes. Cédrénus a écrit très-merveilleusement que tous les rois francs de la première race naissaient avec l’épine du dos couverte et hérissée d’un poil de sanglier. Le peuple croit fermement, dans certaines provinces, que la louve enfante, avec ses louveteaux, un petit chien qu’elle dévore aussitôt qu’il voit le jour. — Voy. la plupart des articles de ce dictionnaire.

Érus ou Er, fils de Zoroastre. Platon assure qu’il sortit de son tombeau douze jours après avoir été brûlé sur un bûcher, et qu’il conta beaucoup de choses sur le sort des bons et des méchants dans l’autre monde.

Escalibor, épée merveilleuse du roi Arthus.

Escamotage. On l’a pris quelquefois pour la sorcellerie ; le diable, dit Leloyer, s’en est souvent mêlé. Delrio (liv. II, quest.) rapporte qu’on punit du dernier supplice, à Trêves, une sorcière très-connue qui faisait venir le lait de toutes les vaches du voisinage en un vase placé dans le mur. Sprenger assure pareillement que certaines sorcières se postent la nuit dans un coin de leur maison, tenant un vase devant elles ; qu’elles plantent un couteau ou tout autre instrument dans le mur ; qu’elles tendent la main pour traire, en invoquant le diable, qui travaille avec elles à traire telle ou telle vache qui paraît la plus grasse et la mieux fournie de lait ; que le démon s’empresse de presser les mamelles de la vache et de porter le lait dans l’endroit où se trouve la sorcière, qui l’escamote aussi. Dans nos villages, les escamoteurs ont encore le nom de sorciers. Mais il y a mieux qu’eux :

« Faisant route de Bombay à Pounah (en 1839), dit M. Théodore Pavie[2], je m’arrêtai à Karli pour visiter le temple souterrain creusé dans la colline qui fait face au village ; et pendant la chaleur du jour je me reposais sous l’ombrage des cocotiers, si beaux en ce lieu, quand je vis s’avancer, au bruit d’instruments discordants, une bande d’Hindous. L’un d’eux tenait dans chaque main une cobra-capella, la plus terrible espèce de serpents dont l’Inde puisse se vanter, et en outre il portait en sautoir un énorme boa. Arrivé près de moi, le jongleur jeta ses serpents à terre, les fit courir, irrita les cobras, qui découlaient leurs anneaux d’une manière effrayante, embrassa son boa ; puis il se prit à les faire danser tous les trois au son d’un flageolet singulier qui se touchait comme une vielle, bien qu’il fût formé d’une calebasse. Pendant ce temps, ses acolytes avaient disposé tout leur établissement sur la poussière ; le tambourin rassemblait les enfants du village, et bientôt se forma un cercle considérable de spectateurs de dix ans et au-dessous : les plus petits nus, les autres portant une ceinture, et tous accroupis dans l’attente des grandes choses qui se préparaient.

» Ce jongleur avait toute la volubilité d’expressions d’un saltimbanque européen. Il s’exprimait très-clairement, en bon hindoustani, bien qu’il se trouvât en pays mahratte ; mais le public semblait n’y rien perdre, tant ses gestes et ses gambades étaient inintelligibles. D’abord il posa par terre une marionnette, soldat portant

  1. Bertin, Curiosités de la littérature, t. I, p. 304.
  2. Les harvis et les jongleurs, écrit daté de Pounah, chez les Mahrattes, le 25 décembre 1839, publié par la Revue des Deux-Mondes.