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tarque pense que c’était pour philosopher plus à son aise, et c’est le sentiment le plus répandu, quoiqu’il soit aussi dénué de fondement que les autres. Démocrite ne fut point aveugle, si l’on en croit Hippocrate, qui raconte qu’appelé par les Abdéritains pour guérir la folie prétendue de ce philosophe, il le trouva occupé à la lecture de certains livres et à la dissection de quelques animaux, ce qu’il n’eût point fait s’il eût été aveugle.

De jeunes Abdéritains, sachant que Démocrite s’était enfermé dans un sépulcre écarté de la ville pour philosopher, s’habillèrent un jour en démons avec de longues robes noires et des masques hideux ; puis ils l’allèrent trouver et se mirent à danser autour de lui ; Démocrite n’en parut pas effrayé ; il ne leva pas même les yeux de dessus son livre et continua d’écrire[1]. Il riait de tout, nous dit-on, mais son rire était moral, et il voyait autrement que les hommes dont il se moquait. Croyons donc, avec Scaliger, qu’il était aveugle moralement, quod aliorum more oculis non uteretur.

On a dit qu’il entendait le chant des oiseaux, et qu’il s’était procuré cette faculté merveilleuse en mangeant un serpent engendré du sang mélangé de certains oisillons ; mais que n’a-t-on pas dit ! On a dit aussi qu’il commerçait avec le diable, parce qu’il vivait solitaire.

Démogorgon, adoré en Arcadie, a laissé une curieuse histoire. Il était enfoui au milieu de la terre, alors inerte, et il s’y ennuyait, car il n’avait pour compagnon que le chaos. Il s’avisa donc de se faire une petite voiture en forme de sphère ; il la lança et se mit dessus. Comme elle tournait toujours circulairement, son excursion forma le ciel. Ayant rencontré le feu en chemin, il en fit le soleil, et pièce à pièce il construisit ce monde. Voilà un des dogmes des païens.

Démon barbu. Voy. Barbu.

Démoniaques. Voy. Possédés.

Démonocratie, gouvernement des démons, influence immédiate des esprits malfaisants, religion de quelques peuplades américaines, africaines, asiatiques, sibériennes, kamtschadales, etc., qui révèrent le diable avant tout, comme par exemple les Kurdes.

Démonographie, histoire et description de ce qui regarde les démons. On appelle démonographes les auteurs qui écrivent sur ce sujet, comme Boguet, Delancre, Leloyer, Wierus, etc.

Démonolâtrie, culte des démons. On a publié à Lyon vers 1819 un volume in-12 intitulé Superstitions et démonolâtrie des philosophes. Ce livre a été un peu bafoué, quoiqu’il contienne de très-bonnes choses et de sérieuses vérités. Il est certain que chez nous-mêmes, qui sommes si fiers de nos lumières et de nos progrès, le démon compte encore d’innombrables serviteurs. Qu’on lise les savantes pages de la Mystique divine, naturelle et diabolique de Görres, on y verra qu’aujourd’hui, au moment où ces lignes se lisent, il y a sur notre sol, dans les bas-fonds de la société, une foule de démonolâtres ou adorateurs du démon, qui lui rendent un culte ténébreux, qui se donnent et se livrent à lui et qui agissent en conséquence. C’est du reste la suite logique et constante de toutes les ères philosophiques.

Démonologie, discours et traités sur les démons. Pour la démonologie du roi Jacques, voy. ce nom. Voy. aussi Walter Scott.

Démonomancie, divination par le moyen des démons. Cette divination a lieu par les oracles qu’ils rendent ou par les réponses qu’ils font à ceux qui les évoquent.

Démonomanie, manie de ceux qui croient sans réserve à tout ce qu’on raconte sur les démons et les sorciers, comme Boguet, Leloyer, Delancre, Wierus, etc. Un ouvrage de Bodin porte le titre de Démonomanie des sorciers ; mais là ce mot signifie diablerie. Voy. Bobin.

Démons. Ce que nous savons d’exact sur les démons se borne à ce que nous en enseigne l’Église : que ce sont des anges tombés, qui, privés de la vue de Dieu depuis leur révolte, ne respirent plus que le mal et ne cherchent qu’à nuire. Ils ont commencé leur règne sinistre par la séduction de nos premiers pères ; ils continuent de lutter contre les anges fidèles qui nous protègent, et ils triomphent de nous quand nous ne leur résistons pas avec courage, oubliant de nous ap-

 
 
puyer sur la grâce de Dieu. On ne peut nier leur existence sans tomber dans l’absurde et dans l’inexplicable. Lock, Clarke, Leibniz, Newton, toutes les têtes solides ont compris l’impossibilité de cette négation.
  1. Leloyer, Histoire des spectres ou Apparition des esprits, liv. I, ch. ix, p. 80.