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jeune homme ensorcelé n’avait que des hallucinations. Le magnétisme, dont on commence à comprendre la puissance, pourrait donner raison au père Lebrun, comme il explique maintenant beaucoup de maléfices qu’on niait, contre tous les témoignages, il n’y a pas encore trente ans[1].

Danse de saint Guy, danse épidémique qui gagnait au moyen âge des populations tout entières, et que les uns attribuaient à un châtiment de Dieu, les autres à l’obsession des démons ; et cela à propos d’un ménétrier qu’on voulait mettre à mort injustement, et qui amena sa délivrance en faisant danser les masses[2]. On

 
Le ménétrier d’Echternach
Le ménétrier d’Echternach
Le ménétrier d’Echternach.
 
en chercha la guérison à Echternach, en Luxembourg, devant les reliques vénérées de saint Willibrord, et le souvenir de ce singulier phénomène y est toujours vivant. Ces danses eurent lieu au quatorzième siècle surtout. On croyait ces danseurs possédés, parce qu’ils dansaient malgré eux et qu’ils se disaient frappés souvent de visions merveilleuses. Au reste on ne les guérit que par des exorcismes.

Danse des Esprits. Olaüs Magnus, au troisième livre de son Histoire des peuples septentrionaux, écrit qu’on voyait encore de son temps, en beaucoup de ces pays-là, des esprits et fantômes dansant et sautant, principalement de nuit, au son de toutes sortes d’instruments de musique. Cette danse est appelée par les gens du pays chorea elvarum (danse des elfes). Saxon le Grammairien fait mention de ces danses fantastiques dans son Histoire de Danemark. Pomponius Mela, dans sa description de l’Ethiopie, dit qu’on a vu quelquefois, au delà du mont Atlas, des flambeaux, et entendu des flûtes et clochettes, et que le jour venu on n’y trouvait plus rien[3]. On ajoutait que les fantômes faisaient danser ceux qu’ils rencontraient sur leur chemin, lesquels ne manquaient pas de se tenir pour avertis qu’ils mourraient bientôt. On ne rencontre plus guère de ces choses-là.

Danse des fées. On prétendait chez nos pères que les fées habitaient les forêts désertes, et qu’elles venaient danser sur la gazon au clair de lune. Voy. Fées.

Danse des géants. Merlin, voulant faire une galanterie de courtisan, fit venir, dit-on, d’Irlande en Angleterre, des rochers qui prirent la figure de géants, et s’en allèrent en dansant former un trophée pour le roi Ambrosius. C’est ce qu’on appela la danse des géants. Des écrivains soutenaient, il n’y a pas longtemps, que ces rochers dansaient encore à l’avénement des rois d’Angleterre.

Danse des morts. L’origine des danses des morts, dont on fit le sujet de tant de peintures, date du moyen âge ; elles ont été longtemps en vogue. D’abord on voyait fréquemment, pendant

 
 
le temps du carnaval, des masques qui représentaient la mort ; ils avaient le privilège de danser avec tous ceux qu’ils rencontraient en les prenant par la main, et l’effroi des personnes qu’ils forçaient de danser avec eux amusait le public. Bientôt ces masques eurent l’idée d’aller dans les cimetières exécuter leur danse en l’honneur des trépassés. Ces danses devinrent ainsi un effrayant exercice de dévotion ; elles étaient accompagnées de sentences lugubres, et l’on ne sait pourquoi alors elles prirent le nom de danses macabres. On fit des images de ces danses qui furent révérées par le peuple. Ces danses macabres se multiplièrent à l’infini au quinzième et au seizième siècle : les artistes les plus habiles furent employés à les peindre dans les vestibules des couvents et sur les murs des cimetières. La danse des morts de Bâle fut d’abord exécutée dans cette
  1. Voyez les Légendes infernales.
  2. Voyez dans les Légendes des Commandements de Dieu le Ménétrier d’Echternach.
  3. Taillepied, Psychologie, p. 175.