Page:Jacques Collin de Plancy - Dictionnaire infernal.pdf/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
CHE
CHE
— 165 —

généralement reconnue. Voy. Drapé, Bayard, Troupeaux, etc.

Chevalier (Guillaume), gentilhomme béarnais, auteur d’un recueil de quatrains moraux, intitulé le Décès ou Fin du monde, divisée en trois visions, in-8o, 1584.

Chevalier impérial. Voy. Espagnet, à la note.

Chevaliers de l’enfer. Ce sont des démons plus puissants que ceux qui n’ont aucun titre, mais moins puissants que les comtes, les marquis et les ducs. On peut les évoquer depuis le lever de l’aurore jusqu’au lever du soleil, et depuis le coucher du soleil jusqu’à la nuit[1].

Chevanes (Jacques), capucin, plus connu sous le nom de Jacques d’Autun, du lieu de sa naissance, mort à Dijon en 1678. On a de lui l’Incrédulité savante et la crédulité ignorante, au sujet des magiciens et des sorciers. Lyon, 1671, in-4o. Ce recueil, plein d’excentricités curieuses, dont nous rapportons en leur lieu les passages remarquables, est une réponse à l’apologie de Naudé pour tous les grands personnages soupçonnés de magie. Heureusement pour l’auteur, dit l’abbé Papillon, l’irascible Naudé était mort depuis longtemps quand ce livre parut.

Chevesche, espèce de chouette, que Torquemada définit un oiseau nocturne fort bruyant, lequel tâche d’entrer où sont les enfants ; et, quand il y est, il leur suce le sang du corps et le boit. Les démonographes ont donné le nom de chevesche aux sorcières, parce que, semblables à cet oiseau, elles sucent le sang de ceux qu’elles peuvent saisir, et principalement des petits enfants[2]. C’est sans doute là l’idée mère des vampires. Les sorcières qui sucent le sang ont aussi quelque analogie avec les gholes des Arabes. Voy. Lamies et Gholes.

Cheveux. « Prenez des cheveux d’une femme dans ses jours de maladie ; mettez-les sous une terre engraissée de fumier, au commencement du printemps, et, lorsqu’ils seront échauffés par la chaleur du soleil, il s’en formera des serpents[3]… »

Quelques conteurs assurent que les mauvais anges étaient amoureux des cheveux des femmes, et que les démons incubes s’attachent de préférence aux femmes qui ont de beaux cheveux. — Les sorcières donnent de leurs cheveux au diable, comme arrhes du contrat qu’elles font avec lui ; le démon les coupe très-menus, puis les mêle avec certaines poudres : il les remet aux sorciers, qui s’en servent pour faire tomber la grêle ; d’où vient qu’on trouve ordinairement dans la grêle de petits poils, qui n’ont pas une autre origine… On fait encore avec ces mêmes cheveux, divers maléfices[4].

On croit en Bretagne qu’en soufflant des cheveux en l’air on les métamorphose en animaux ; les petits garçons de Plougasnou qui font des échanges entre eux confirment la cession en soufflant au vent un cheveu, parce que ce cheveu était autrefois l’emblème de la propriété. Des cheveux dans les temps modernes ont même été trouvés sous des sceaux : ils tenaient lieu de signatures[5].

Enfin il y a des personnes qui croient qu’il faut observer les temps pour se couper les cheveux et se rogner les ongles. — Autrefois on vénérait le toupet, par lequel les Romains juraient, et qu’on offrait aux dieux. Il paraît qu’ils étaient sensibles à ces présents, puisque, quand Bérénice eut offert sa chevelure, ils en firent une constellation. — Chez les Francs, c’était une politesse de donner un de ses cheveux, et les familles royales avaient seules le privilège de les laisser pousser dans tout leur développement.

En Hollande, beaucoup de gens croient qu’en vendant leurs cheveux à un perruquier, ils auront par sympathie les maux de tête de ceux qui les porteront. Une dame âgée, il y a peu de temps, se faisait couper à la Haye de beaux cheveux blancs d’argent, très-abondants et très-longs. Le tondeur lui en offrit 20 florins (42 francs). Elle aima mieux les brûler. — J’aurais, dit-elle, toutes les douleurs que mes cheveux couvriraient.

Chevillement, sorte de maléfice employé par les sorciers et surtout par les bergers. Il empêche d’uriner. Le nom de ce maléfice lui vient de ce que pour le faire on se sert d’une cheville de bois ou de fer qu’on plante dans la muraille, en faisant des conjurations, « J’ai connu une personne, dit Wecker, qui mourut du chevillement : il est vrai qu’elle avait la pierre. » Et le diable, qui parfois aime à se divertir, chevilla un jour la seringue d’un apothicaire en fourrant sa queue dans le piston. Voy. Noals. — Pour empêcher l’effet de ce charme, il faut cracher sur son soulier du pied droit avant de s’en chausser. Ce qui approche de ce qu’on lit dans Tibulle, que les anciens crachaient dans leur sein par trois fois pour se désensorceler ou empêcher le sortilège. On voit dans un livre intitulé l’Urotopégnie ou chevillement, que les tonneaux, les fers, les fours, les lessives, les moulins à vent et ceux qui sont sur les ruisseaux et rivières, peuvent être pareillement liés et maléficiés. Voy. Ligatures.

Chèvres. Ces animaux étaient fort révérés à Mendès en Égypte. Il était défendu d’en tuer, parce qu’on croyait que Pan, la grande divinité de cette ville, s’était caché sous la figure d’une chèvre ou plutôt d’un bouc ; aussi le représentait-on avec une face de bouc, et on lui immolait des brebis. Voy. Capricorne.

  1. Wierus, in Pseudomonarchia dœmon., ad finem.
  2. Torquemada, Hexameron, troisième journée.
  3. Secrets d’Albert le Grand, p. 27.
  4. Boguet, Discours des sorciers, ch. xv, p, 456.
  5. M. Cambry, Voyage dans le Finistère, t. I, p. 174 et 195.