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et dans le traité De libris propriis, il dit que son démon familier tient de la nature de Mercure et de celle de Saturne. On sent bien qu’il s’agit ici des planètes. Il avoue ensuite qu’il doit tous ses talents, sa vaste érudition et ses plus heureuses idées à son démon. Tous ses panégyristes ont fait la part de son démon familier, ce qu’il est bon de remarquer pour l’honneur des esprits. Cardan assurait aussi que son père avait été servi trente ans par un esprit familier.

Comme ses connaissances en astrologie étaient grandes, il prédit à Édouard VI, roi d’Angleterre, plus de cinquante ans de règne, d’après les règles de l’art. Mais par malheur Édouard VI mourut à seize ans. Ces mêmes règles lui avaient fait voir clairement qu’il ne vivrait que quarante-cinq ans. Il régla sa fortune en conséquence, ce qui l’incommoda fort le reste de sa vie. Quand il dut avouer qu’il s’était trompé dans ses calculs, il refit son thème, et trouva qu’au moins il ne passerait pas la soixante-quinzième année. La nature s’obstina encore à démentir l’astrologie. Alors, pour soutenir sa réputation, et ne pas supporter davantage la honte d’un démenti (car il pensait que l’art est infaillible et que lui seul avait pu se tromper), on assure que Cardan se laissa mourir de faim.

« De tous les événements annoncés par les astrologues, je n’en trouve qu’un seul qui soit réellement arrivé tel qu’il avait été prévu, dit un écrivain du dernier siècle[1], c’est la mort de Cardan, qu’il avait lui-même prédite et fixée à un jour marqué. Ce grand jour arriva : Cardan se portait bien ; mais il fallait mourir ou avouer l’insuffisance et la vanité de son art ; il ne balança pas ; et, se sacrifiant à la gloire des astres, il se tua lui-même ; il n’avait pas expliqué s’il périrait par une maladie ou par un suicide. »

Il faut rappeler, parmi les extravagances astrologiques de Cardan, qu’il avait dressé l’horoscope de Notre-Seigneur Jésus-Christ : il le publia en Italie et en France. Il trouvait dans la conjonction de Mars avec la lune au signe de la Balance le genre de mort de l’Homme-Dieu ; et il voyait le mahométisme dans la rencontre de Saturne avec le Sagittaire, à l’époque de la naissance du Sauveur.

En somme, Jérôme Cardan fut un homme superstitieux, qui avait plus d’imagination que de jugement. Ce qui est bizarre, c’est que, croyant à tout, il croyait mal aux seules merveilles vraies, celles que l’Église admet. On le poursuivit à la fois comme magicien et comme impie. Delancre dit qu’il avait été bien instruit en la magie par son père, lequel avait eu trente ans un démon enfermé dans une cassette, et discourait avec ce démon sur toutes ses affaires[2]. On trouve donc des choses bizarres dans presque tous ses ouvrages, qui ont été recueillis en dix volumes in-folio, principalement dans le livre de la Variété des choses, de La Subtilité des démons, etc., et dans son Traité des songes[3]. Voy. Métoposcopie et Onguents.

Carenus (Alexandre), auteur d’un Traité des songes[4] publié à Padoue en 1575.

Carlostad (André Bodenstein de), archidiacre de Wurtemberg, d’abord partisan, ensuite ennemi de Luther, mais toujours dissident comme lui. Le jour où il prononça son dernier prêche, un grand homme noir, à la figure triste et décomposée, monta derrière lui l’escalier de la chaire et lui annonça qu’il irait le voir dans trois


jours. D’autres disent que l’homme noir se tint ensuite devant lui le regardant d’un œil fixe, à quelques pas de la chaire et parmi les auditeurs. Carlostad se troubla ; il dépêcha son prêche, et, au sortir de la chaire, il demanda si l’on connaissait l’homme noir qui en ce moment sortait du temple. Mais personne que lui ne l’avait vu. — Cependant le même fantôme noir était allé à la maison de Carlostad et avait dit au plus jeune de ses fils : « Souviens-toi d’avertir ton père que je reviendrai dans trois jours, et qu’il se tienne prêt. » Quand l’archidiacre rentra, son fils lui raconta cette autre circonstance. Carlostad épouvanté se mit au lit, et trois jours après, le 25 décembre 1541, qui était la fête de Noël, on le trouva mort, le cou tordu. L’événement eut lieu à Bâle[5].

Carmentes, déesses tutélaires des enfants chez les anciens. Elles ont été remplacées par nos fées ; elles présidaient à la naissance, chantaient l’horoscope du nouveau-né, lui faisaient un don, comme les fées en Bretagne, et recevaient de petits présents de la part des mères. Elles ne se

  1. Essai sur les superstitions, par M. L. C. In-12.
  2. L’incrédulité et mécréante, etc., traité I, p. 43, etc.
  3. Hieronymus Cardanus, De somniis. Bâle, 1585, in-4o.
  4. Alex. Carenus, De somniis, in-4o. Patavii, 1575.
  5. Cette anecdote se trouve encore dans les écrits de Luther, et dans un livre du dernier siècle, intitulé : La Babylone démasquée, ou Entretiens de deux dames hollandaises sur la religion catholique romaine, etc. p. 226,’édition de Pépie, rue Saint-Jacques, à Paris, 1727. — Voyez la légende de Carlostad dans les Légendes infernales.