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Bas et passèrent en France, où on les appela les Bohémiens, parce qu’ils venaient de la Bohême.

Pasquier, dans ses Recherches, raconte à peu près ainsi leur apparition mystérieuse sur le sol français et leur arrivée aux portes de Paris en 1427 : — ils étaient au nombre de cent vingt ; l’un de leurs chefs portait le titre de duc, un autre celui de comte ; ils avaient dix cavaliers pour escorte. Ils disaient qu’ils venaient de la basse Égypte, chassés de leur pays par les Sarasins, qu’ils étaient allés à Rome confesser leurs péchés au Pape, qui leur avait enjoint pour pénitence d’errer sept ans par le monde, sans coucher sur aucun lit. (Les gens éclairés n’ajoutèrent sans doute pas foi à ce conte.) — On les logea au village de la Chapelle, près Paris ; et une grande foule alla les voir. — Ils avaient les cheveux crépus, le teint basané, et portaient aux oreilles des anneaux d’argent. Comme leurs femmes disaient la bonne aventure et se livraient à des pratiques superstitieuses et mauvaises, l’évêque de Paris les excommunia, défendit qu’on les allât consulter et obtint leur éloignement.

Le seizième siècle fut infesté de Bohémiens. Les états d’Orléans, en 1560, les condamnèrent au bannissement, sous peine des galères, s’ils osaient reparaître. Soufferts dans quelques contrées que divisait l’hérésie, chassés en d’autres lieux comme descendants de Cham, inventeur de la magie, ils ne paraissaient nulle part que comme une plaie. On disait en Flandre qu’ils étaient si experts en sorcellerie, que dès qu’on leur avait donné une pièce de monnaie, toutes celles qu’on avait en poche s’envolaient aussitôt et allaient rejoindre la première, opinion populaire qui peut se traduire en d’autres termes et qui veut dire que les Bohémiens étaient des escrocs. — Leurs bandes diminuèrent au dix-septième siècle. Pourtant on en voit encore quelques rares détachements. Sous les nouvelles lois de police des États européens, les sociétés bohémiennes sont dissoutes. Mais il y a toujours çà et là des individus qui disent la bonne aventure, et des imbéciles qui vont les consulter. Voy. Chiromancie[1].

Bohinum, idole des Arméniens, qui était faite d’un métal noir, symbole de la nuit. Son nom vient du mot hébreu bohu, désolation, à ce que dit Leloyer. C’est le démon du mal.

Bohmius (Jean). Quelques-uns recherchent sa Psychologie, ou Traité des esprits, publiée en 1632, à Amsterdam[2] livre qui ne manque pas d’hérésies.

Bohon-Hupas, arbre-poison qui croît dans l’île de Java, à trente lieues de Batavia. Les criminels condamnés allaient autrefois recueillir une gomme qui en découle, et qui est un poison si prompt et si violent, que les oiseaux qui traversent l’air au-dessus de cet arbre tombent morts ; du moins ces choses ont été contées. Après que leur sentence était prononcée, lesdits criminels pouvaient choisir de périr de la main du bourreau, ou de tenter de rapporter une boîte de gomme de l’hupas.* Foerssech rapporte qu’ayant interrogé un prêtre malais qui habitait ce lieu sauvage, cet homme lui dit qu’il avait vu passer environ sept cents criminels, sur lesquels il n’en était revenu que vingt-deux ; qu’il n’y avait pas plus de cent ans que ce pays était habité par un peuple qui se livrait aux iniquités de Sodome et de Gomorrhe ; que Mahomet ne voulut pas souffrir plus longtemps leurs mœurs abominables ; qu’il engagea Dieu à les punir ; et que Dieu fit sortir de la terre le bohon-hupas, qui détruisit les coupables, et rendit à jamais le pays inhabitable. Les Malais regardent cet arbre comme l’instrument de la colère du Prophète ; et, toutefois, la mort qu’il procure passe chez eux pour honorable ; voilà pourquoi les criminels qui vont chercher le poison se revêtent en général de leurs plus beaux habits[3].

Bois. Les anciens avaient une divination qui se pratiquait par le moyen de quelques morceaux de bois. Voy. Xylomancie.

Ils croyaient les forêts habitées par des divinités bizarres ; et dans les pays superstitieux, on y redoute encore les lutins. Les Kamstchadales disent que les bois sont pleins d’esprits malicieux. Ces esprits ont des enfants qui pleurent sans cesse pour attirer les voyageurs ; ils les égarent ensuite, et ils leur ôtent quelquefois la raison. — Enfin, c’est généralement dans les bois que les sorciers font le sabbat. C’était autrefois dans des bois dits sacrés qu’on honorait les faux dieux.

Bois de vie. C’est le nom que les alchimistes donnent à la pierre parfaite du grand œuvre, plus clairement appelée baume universel ou pa-

  1. Le fait suivant est caractéristique des mœurs des Bohémiens, dont il existe encore plusieurs communautés dans la Lithuanie :

    Un Bohémien demeurant à Mehlanken, près de Tilsitt, avait été incarcéré pour vol d’un cheval ; il mourut avant que l’instruction fût terminée. La communauté à laquelle il appartenait, informée de son décès, arriva dans la ville au moment où l’on allait procéder à l’inhumation. Aussitôt les Bohémiennes supplièrent ceux qui portaient le corps d’ouvrir le cercueil et de leur permettre de faire venir un barbier pour raser le défunt ; mais comme il y eut impossibilité de trouver immédiatement un barbier, il fallut se rendre directement au cimetière.

    Pendant ce temps, les femmes bohémiennes avaient parcouru la ville pour chercher un barbier, et elles avaient fini par en trouver un. Elles arrivèrent au cimetière en même temps que le cercueil et obtinrent l’autorisation de faire procéder à l’ouverture et de raser le défunt.

    Quand cette opération fut terminée, elles en témoignèrent la plus grande joie.

  2. Joannis Bohmii psychologia, cura vera applicatione Joannis Angeli. In-24. Amstel., 1632.
  3. Extrait des Voyages de M. Foerssech, Hollandais, Mélanges de littérature étrangère, t. I, p. 64.