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cières avec les démons étaient des crapauds ou des serpents. Des sorcières révélèrent encore cette particularité, qu’elles avaient vu quelquefois le diable malade, et qu’alors il se faisait appliquer des ventouses par les sorciers de la compagnie.

Le diable enfin leur donnait des animaux qui les servaient et faisaient leurs commissions : à l’un un corbeau, à l’autre un chat, qu’ils appelaient emporteur, parce qu’on l’envoyait voler ce qu’on désirait et qu’il s’en acquittait habilement. Il leur enseignait à traire le lait par charme, de cette manière : le sorcier plante un couteau dans une muraille, attache à ce couteau un cordon qu’il tire comme le pis d’une vache, et les bestiaux qu’il désigne dans sa pensée sont traits aussitôt jusqu’à épuisement. Ils employaient le même moyen pour nuire à leurs ennemis, qui souffraient des douleurs incroyables pendant tout le temps qu’on tirait le cordon. Ils tuaient même ceux qui leur déplaisaient en frappant l’air avec un couteau de bois.

Sur ces aveux on brûla quelques centaines de sorciers, sans que pour cela il y en eût moins en Suède[1] ; mais ce qui est surprenant, c’est que les mêmes scènes de magie se reproduisent en Suède de nos jours. Voy. Magie.

Bobin (Nicolas), sorcier jugé à Montmorillon, en Poitou, dans l’année 1599. Il fit à peu près la même confession que Berthomé du Lignon. Il était allé comme lui au sabbat, et s’était donné au diable, qui lui avait fait renier Dieu, le baptême et ses parents. Il conte qu’après l’offrande le diable se montrait quelquefois en forme d’homme noir ayant la voix cassée d’un vieillard ; que, quand il appelait le diable, il venait à lui en homme ou en bouc ; que, lorsqu’il allait au sabbat, il y était porté par un vent ; qu’il y rendait compte de l’usage de ses poudres, qu’il avait toujours fidèlement employées à mal faire ; qu’il portait la marque du diable sur l’épaule ; que, quand il donnait des maladies, il les donnait au nom du diable et les guérissait au même nom ; qu’il en avait fait mourir ainsi, et guéri plusieurs[2]

Bobou, l’un des grands elfs. Il préside aux vents tempétueux de l’automne, s’assied la nuit sur les tilleuls et en casse les branches. Lorsqu’on voit, en Écosse, une de ces branches cassée, tordue, ou éclatée d’une certaine manière, on dit : « C’est la branche à Bobou, » et on n’ose pas la toucher.

Bocal, sorcier qui fut arrêté à vingt-sept ans dans le pays de Labourd, sous Henri IV, comme convaincu d’avoir été vu au sabbat, vêtu en prêtre et servant de diacre ou de sous-diacre, les nuits des trois jours qui précédèrent sa première messe dans l’église de Sibour ou Siboro (car ce malheureux était prêtre) ; et, comme on lui demandait pourquoi il disait plutôt la messe au sabbat qu’à l’église, il répondit que c’était pour s’essayer et voir s’il ferait bien les cérémonies. Sur la déposition de soixante-dix témoins, qui déclaraient l’avoir vu au sabbat chantant la messe du diable, il fut condamné à mort après avoir été dégradé. Lorsqu’il allait être exécuté (il n’avait que vingt-sept ans), il était tellement tendu à rendre son âme au diable auquel il l’avait promise, que jamais il ne sut dire ses prières au confesseur qui l’en pressait. Les témoins ont déclaré que la mère, les sœurs et tous les membres de la famille Bocal étaient sorciers, et que quand il tenait le bassin des offrandes, au sabbat, il avait donné l’argent desdites offrandes à sa mère, en récompense, sans doute, de ce qu’elle l’avait dès sa naissance voué au diable, comme font la plupart des autres mères sorcières[3]. Migaléna, mère de ce malheureux, âgée de soixante et un ans, fut exécutée avec lui.

Bodeau (Jeanne), sorcière du même pays de Labourd. Au rapport de Pierre Delancre, elle raconta qu’à l’abominable cérémonie appelée la messe du sabbat, on faisait l’élévation avec une hostie noire de forme triangulaire[4], et le salut de cette élévation était : Corbeau noir ! corbeau noir ! crié trois fois.

Bodilis. Cambry, dans son Voyage au Finistère, parle de la merveilleuse fontaine de Bodilis, à trois quarts de lieue de Landivisiau. Les habitants croient qu’elle a la propriété d’indiquer si une jeune fille n’a pas fait de faute. Il faut dérober à celle dont on veut apprécier ainsi la sagesse l’épine qui attache sa collerette en guise d’épingle, et la poser sur la surface de l’eau : tout va bien si elle surnage ; mais si elle s’enfonce, c’est qu’il y a blâme.

Bodin (Jean), savant jurisconsulte et démonographe angevin, mort de la peste en 1596. L’ouvrage qui fit sa réputation fut sa République, que la Harpe appelle le germe de l’Esprit des lois. Sa Démonomanie lui donne ici une place. Mais il est difficile de juger Bodin. On lui attribue un livre intitulé Colloquium heptaplomeron de abditis rerum sublimium arcanis, dialogues en six livres, où sept interlocuteurs de diverses religions disputent sur leurs croyances, de manière que les chrétiens cèdent souvent l’avantage aux musulmans, aux juifs, aux déistes. Aussi l’on a dit que Bodin était à la fois protestant, déiste, sorcier, juif et athée. Pourtant, ces dialogues sont-ils vraiment de lui ? On ne les connaît que par des copies manuscrites, car ils n’ont jamais été imprimés. — Sa Démonomanie des sorciers parut in-4o, à Paris, en

  1. Bekker, le Monde enchanté.
  2. Discours sommaire des sortilèges et vénéfices, tirés des procès criminels jugés au siège royal de Montmorillon, en Poitou, en l’année 1599, p. 30.
  3. Delancre, Tableau de Vinconst. des démons, etc., liv. VI, p. 420.
  4. Ibid., liv. VI, dise. m.