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boutique aura deux issues, et lâcher, en payant, de vous faire rendre deux deniers. « Elle me recommanda de sortir ensuite par la porte opposée à celle par laquelle je serais entré, et de jeter les deux deniers en l’air ; ce que je fis. Je fus grandement surpris d’entendre le son de deux écus au lieu de celui des deux deniers.

» L’usage qu’elle me dit de faire de la chandelle fut d’allumer d’abord mon feu, de jeter dedans du sel, d’écrire sur un papier le nom de la première personne qui m’a persécuté, de piquer ce papier dans tous les sens, d’en envelopper la chandelle en l’y fixant avec une épingle, et de la laisser brûler entièrement ainsi.

» Aussitôt que j’eus tout exécuté, ayant eu la précaution de m’armer d’un couteau en cas d’attaque, j’entendis un bruit effroyable dans le tuyau de ma cheminée ; je m’imaginai que j’étais au pouvoir du magicien Moreau, que j’avais consulté à Paris. Je passai la nuit à alimenter le feu, en y jetant de grosses poignées de sel et de soufre, pour prolonger le supplice de mes ennemis… »

M. Berbiguier fit neuf jours de suite la même opération, sans se voir débarrassé des farfadets et des magiciens.

Ses trois volumes sont partout de cette force, et nous ne dirons rien de trop en rangeant cet ouvrage parmi les plus extravagantes productions. L’auteur se croyait en correspondance avec des sorciers et des démons. Il rapporte des lettres faites par des plaisants assez malhabiles, et qu’il attribue à Lucifer, à Rolhomago et à d’autres dont elles portent les signatures. En voici une qu’il a transcrite scrupuleusement :

          À M. Berbiguier.

« Abomination de la détestation ! tremblement de terre, déluge, tempête, vent, comète, planète, Océan, flux, reflux, génie, sylphe, faune, satyre, Sylvain, dryade et hamadryade !

» Le mandataire du grand génie du bien et du mal, allié de Belzébuth et de l’enfer, compagnon d’armes d’Astaroth, auteur du péché originel et ministre du Zodiaque, a droit de posséder et de tourmenter, de piquer, de purger, de rôtir, empoisonner, poignarder et liquéfier le très-humble et très-patient vassal Berbiguier, pour avoir maudit la très-honorable et indissoluble société magique : en foi de quoi nous avons fait apposer les armes de la société.

» Fait au soleil, en face de la lune, le grand officier, ministre plénipotentiaire, le 5818e jour et la 105819e heure de nuit, grand-croix et tribun de la société magique. Le présent pouvoir aura son effet sur son ami Coco (c’était l’écureuil de M. Berbiguier).

                     »Thésaurochrysonicochrysidès.
                          »Par Son Excellence, le secrétaire}}
                                  »Pirichichi-Pinchi.

   »30 mars 1848.

»P. S. Dans huit jours tu seras en ma puissance ; malheur à toi, si tu fais paraître ton ouvrage[1] ! »

Bérenger, hérétique du onzième siècle. Guillaume de Malmesbury raconte[2] qu’à l’heure de sa mort Bérenger reçut la visite de son ancien ami Fulbert, lequel recula devant le lit où gisait le malade, disant qu’il n’en pouvait approcher, parce qu’il voyait auprès de lui un horrible et grand démon très-puant. Les uns racontent qu’on chassa ce démon ; d’autres assurent qu’il tordit le cou à l’hérétique mal converti et qu’il remporta.

Bérésith, branche de la cabale. C’est l’étude des vertus occultes que le monde renferme.

Bergers. On est encore persuadé dans beaucoup de villages que les bergers commercent avec le diable, et qu’ils font des maléfices. Il est dangereux, assure-t-on, de passer près d’eux sans les saluer ; ils fourvoient loin de sa route le voyageur qui les offense, fontmaître des orages devant ses pas et des précipices à ses pieds. On conte là-dessus beaucoup d’histoires terribles.

Un voyageur passant à cheval à l’entrée d’une forêt du Mans renversa un vieux berger qui croisait sa route, et ne s’arrêta pas pour relever le bonhomme. Le berger, se tournant vers le voyageur, lui cria qu’il se souviendrait de lui. L’homme à cheval ne fit pas d’abord attention à cette menace ; mais bientôt, réfléchissant que le berger pouvait lui jeter un maléfice, et tout au moins l’égarer, il eut regret de n’avoir pas été plus honnête. — Comme il s’occupait de ces pensées, il entendit marcher derrière lui ; il se retourne et entrevoit un spectre nu, hideux, qui le poursuit c’est sûrement un fantôme envoyé par le berger… Il pique son cheval, qui ne peut plus courir. Pour comble de frayeur, le spectre saute sur la croupe de son cheval, enlace de ses deux longs bras le corps du cavalier, et se met à hurler. Le voyageur fait de vains efforts pour se dégager du monstre, qui continue de crier d’une voix rauque. Le cheval s’effraye, et cherche à jeter à terre sa double charge ; enfin une ruade de l’animal renverse le spectre, sur lequel le cavalier ose à peine jeter les yeux. Il a une barbe sale, le teint pâle, les yeux hagards ; il fait d’effroyables grimaces Le voyageur fuit au plus vite : arrivé au prochain village, il raconte sa mésaventure. On lui apprend que le spectre qui lui a causé tant de frayeur est un fou échappé qu’on cherche depuis quelques heures[3].

Les maléfices de bergers ont eu quelquefois des suites plus fâcheuses, et il a été prouvé, dans

  1. M. Champfleury, dans sa curieuse galerie des excentriques, publiée en 1856, a écrit un remarquable portrait de M. Berbiguier, qu’il a vu dans sa vieillesse toujours frappé des idées de ses farfadets.
  2. In Historia Anglor. sub GuUielmo I.
  3. Madame Gabrielle de P***, Histoire des fantômes, etc., p. 205.