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NAPOLÉON

Elle n’y est plus et elle a profité, pour échapper à la destruction, du répit qui lui a été laissé.

Ces hommes qui ont pris part à tant de combats, parcouru l’Europe en guerroyant, fatigué la renommée du bruit de leurs exploits, on croirait, de loin, qu’ils ont vieilli, qu’ils touchent à la décadence sénile. Des pages si remplies donnent l’impression d’une longue durée, alors que la brièveté en est le trait le plus extraordinaire. L’empereur au-dessous de lui-même et de sa réputation, au-dessous de sa clarté et de sa netteté, la foudre mourant entre ses mains, ce sont des choses qui déconcertent et dont on veut encore trouver la raison dans l’âge, l’usure physique, la maladie. On ne pense pas assez que Bonaparte n’a pas même quarante‑six ans, aucun de ses généraux cinquante, que Wellington a quelques mois de plus que lui et que le vieillard, le patriarche – soixante-seize ans — c’est Blucher. On veut que l’énergie, la flamme soient éteintes chez Napoléon, que déjà son cancer le ronge, qu’il s’endorme au milieu de l’action. On ne s’explique pas par d’autres raisons l’obscurcissement de son génie. Pourtant Ligny, les Quatre-Bras, ce sont encore les idées d’un dieu des combats, mais qui doute. Ses propres inspirations ne l’illuminent plus. Il ne les suit plus, partagé, obsédé par d’autres soucis que ceux de la guerre. Le 17 juin, tandis que les Anglais lui échappent, il parle avec ses généraux de l’opinion à Paris, des Chambres, de Fouché. Dans la nuit du 17 au 18, à la ferme du Caillou, il dicte pour le lendemain le plan de bataille, de la grande et funeste bataille, et aussi des lettres « nécessitées, dit Davout, par les ennuis et les embarras que lui causait la Chambre des Représentants », où, la veille, il y avait eu une séance mauvaise. L’arrière l’occupe trop, et sa volonté en est moins ferme, sa pensée moins claire. Les causes immédiates du désastre, à Waterloo, on les trouve dans une suite de contretemps, effet d’oublis et de distractions in-