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EMPEREUR ET AVENTURIER

raître en costume de théâtre, avec une toque à plumes, un manteau brodé, qu’il rejetait d’un geste enseigné par Talma, une écharpe, des bas de soie, des souliers à rosettes, et, sous ce déguisement, une figure « soucieuse, contractée, sévère et néronique », dit un témoin. Jamais, dit un autre, il n’avait abandonné plus mal à propos la redingote grise. L’étonnement ne fut pas moins grand de voir auprès de lui ses trois frères habillés de velours blanc, couleur des « candidats impériaux ». Joseph, Lucien, Jérôme, sous le « costume espagnol de prince français », poursuivaient, d’ailleurs, entre des réconciliations, leurs rivalités, leurs ambitions, leurs brouilles pour un trône relevé depuis deux mois et qui sera renversé dans trois semaines, à peine plus de temps qu’il n’en faudra pour que l’estrade du Champ de Mai soit démolie.

Les costumes dont Napoléon s’est affublé et dont il a affublé ses frères, c’est l’image de ses incertitudes et de son embarras. Cette fête est civile et militaire. Il ne faut pas que le militaire domine pour ne pas faire crier au Napoléon belliqueux. Il faut aussi que, s’adressant à « Messieurs les électeurs », il paraisse devant eux avec la majesté impériale, qui n’a plus guère que les accessoires pour s’imposer. « Empereur, consul, soldat, je tiens tout du peuple. » Mais il laisse prévoir une révision de l’Acte additionnel quand l’injuste agression aura été repoussée. Il y a de tout dans cette cérémonie qui commence par un archevêque et une messe, qui se continue par la harangue du représentant des corps électoraux, par un serment renouvelé de celui du sacre et qui finit sur les acclamations de l’armée, sur des serments d’aller chercher l’impératrice et son fils et de mourir pour le trône et la patrie.

Celui qu’on a vu de tout temps livré aux hésitations et aux perplexités ne fait plus, pendant les Cent‑Jours, que flotter d’une idée à une autre jusqu’à ce qu’enfin il se décide à risquer tout. Mainte-