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NAPOLÉON

pas un homme foudroyé. Avec Bertrand, grand maréchal du palais, Drouot, le fidèle artilleur, Cambronne, qui commande les quatre cents hommes de la garde, un lieutenant de vaisseau pour amiral de la flottille, il se donne un mouvement continuel. Pour le suivre et lui obéir, « chacun sue sang et eau ». Après les jours de ténèbres et d’agonie qu’il a vécus depuis l’abdication, il se détend, il goûte la sécurité.

La tristesse et l’ennui viendront vite, et l’inquiétude après. Joséphine est morte le 29 mai. On le vit pleurer sur le passé. Il attendait Marie‑Louise. Ce fut la tendre Walewska qui vint avec son fils. Il ne voulut pas les garder, par crainte du scandale dans l’île et en Europe, où l’on n’eût pas manqué de dire qu’il renonçait à l’impératrice. Cependant François Il conseillait à sa fille de se consoler et, avec Neipperg, lui donnait le consolateur. La privation de sa femme et du roi de Rome, l’abandon, la solitude, un vide que l’arrivée de Madame Mère et de Pauline ne faisait pas oublier, furent parmi les raisons qui engagèrent Napoléon à tenter encore la chance. Il s’était d’abord, en idée, arrangé une existence pareille à celle des archiducs, ses parents, qu’il avait vus installés à Florence ou à Wurzbourg. Marie‑Louise fût venue à Porto-Ferrajo, il lui eût rendu visite à Parme, quelque chose de bourgeoisement princier, l’empereur honoraire restant inscrit dans la famille des rois. Peu de temps après avoir pris possession de son nouvel État, il se rendit au bal qu’un navire de guerre anglais, en rade, donnait pour la fête du roi George. On n’oserait pas dire que ce fût déjà pour mieux cacher ses desseins. Il allait plutôt là comme il fût allé à la cour de Buckingham.

L’évasion, il y pensa peut-être à partir du mois de novembre, quand le congrès de Vienne se fut ouvert. On y parlait de mettre Bonaparte dans un lieu plus sûr, moins près de l’Italie et de la France,