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NAPOLÉON

À Fontainebleau, le 4 avril, c’est bien un 18 brumaire renversé. Comme au rendez‑vous de la rue Chantereine, les maréchaux sont venus avec leurs états‑majors, toute une escorte de divisionnaires et d’officiers qui les accompagnent « pour les défendre au besoin », et pour menacer aussi. C’est l’image du gouvernement des militaires, celui que Napoléon redoutait le plus, qu’il méprisait le plus aussi et dont il disait en 1802 que « jamais il ne prendrait en France, à moins que la nation ne fût abrutie par cinquante ans d’ignorance ». Avec les généraux, on l’a vu, dans tous les temps, dit Chaptal « observer la plus grande réserve », les tenir à distance, leur adressant « à peine la parole et seulement sur des choses indifférentes ». Et les voici chez lui, le verbe haut. Ils lui imposent leurs personnes et leur volonté. Ney, Lefebvre, Moncey ont fait irruption dans son cabinet et c’est Ney qui demande l’abdication, vient « l’enlever » comme il l’a promis aux autres, à la foule des gradés qui attendent dans la cour. Rien de bruyant, de dramatique ; une résolution froide. Napoléon leur parle. C’est comme s’il parlait « à des statues ». Macdonald, qui a écrit le procès‑verbal de la conférence, entre à son tour avec Oudinot. Il apporte une lettre de Beurnonville, encore un ancien de la Révolution, un combattant de Valmy et de Jemmapes, membre du gouvernement provisoire de Paris, qui déjà, dans son âme, est rallié aux Bourbons et qui fait savoir que les Alliés refusent de traiter avec l’empereur. Et, après Ney, Macdonald signifie au nom de l’armée que tout le monde est las, qu’on est « très résolu à en finir », qu’il ne peut pas être question de marcher sur Paris, encore moins de tirer l’épée contre des Français. « J’aurais cru qu’il aurait éclaté », ajoute Macdonald. Au contraire, Napoléon répond avec calme et douceur. Il trouve même des mots aimables pour l’orateur des délégués qui interrompt par un brutal : « Trêve de compliments, il s’agit de prendre