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LE REFLUX ET LA DÉBÂCLE

mariage et les liens « indissolubles » ne comptent pas. À cette heure où il est en danger, l’Autriche est son suprême espoir. Il renvoie Merfeldt près de l’impérial beau‑père avec des paroles de réconciliation et l’offre d’une paix raisonnable. Merfeldt ne revint pas.

Avec quelle rapidité les choses vont maintenant se défaire ! Cette débâcle d’une armée est celle d’un système, l’écroulement de ce qu’avaient édifié vingt ans d’efforts. Les Saxons, qui au milieu de la bataille retournent leurs canons contre les Français, c’est l’Allemagne qui se lève, qui renverse la Confédération du Rhin, la barrière des rois créés par Napoléon pour protéger les frontières conquises par la République. Jérôme et son royaume de Westphalie vont disparaître en quelques jours. Des alliances de famille à peine moins hautes que celles de l’empereur n’auront pas sauvé le jeune frère. Et voici, après le canon des Saxons, celui de Bernadotte, soldat de la Révolution et roi élu. La bataille de Leipzig est une sorte de jugement dernier où se venge le passé, où se mêlent les vivants et les morts, où apparaît ce qui était caché, la faiblesse du Grand Empire construit sur du prestige et sur des illusions. « Froid, réfléchi, concentré », Bonaparte apprend les tristes nouvelles en laissant à peine lire un découragement sur son visage. Cent mille Français dont les munitions sont épuisées devant trois cent mille ennemis. Il ordonne la retraite, et, comme au retour de Moscou, ce n’est pas encore la fin des malheurs. La panique commence. Les sapeurs font sauter le pont de l’Elster avant que toute l’armée ait passé, et Poniatowski se noie, symbole de la Pologne vainement confiante et vainement fidèle. C’est bien de ce 19 octobre qu’il faut dater la fin de l’Empire. On refait en sens inverse le chemin de la veille, on défile près des lieux dont les noms rappellent des victoires défuntes. On revient par Erfurt, où, il y a cinq ans, Napoléon et Alexandre, de-