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LE REFLUX ET LA DÉBÂCLE

Murat, qui est pourtant revenu à l’appel, songe à garantir son royaume de Naples par l’Autriche. « Traître ! » lui crie son beau-frère. Berthier est intervenu : « Vieil imbécile ! de quoi vous mêlez-vous ? Taisez-vous. » Empereur, roi, prince retournent au corps de garde. À l’approche de la fin, les héros de l’épopée se retrouvent tels qu’ils étaient au commencement.

Il arrive alors à Napoléon ce qu’il pressentait si bien, ce qu’il avait annoncé tant de fois. Son autorité ne survit pas à la défaite et ce sont les militaires qui s’en affranchissent les premiers. Il connaissait la « disposition factieuse » de quelques‑uns des meilleurs puisqu’il l’avait discernée chez « le brave des braves ». Moreau, et Bernadotte, et l’obscur Malet lui‑même n’étaient-ils pas des noms et des exemples qui criaient assez haut ? À Paris, les prévoyants prennent leurs mesures en vue de la catastrophe, quoique l’armature politique de l’Empire tienne toujours. Dans leur masse, le peuple, le soldat restent fidèles et Napoléon ne cesse pas de représenter pour eux ce que représentait Bonaparte. Les grands chefs, eux, revoient Bonaparte derrière Napoléon. Ils reviennent aussi au Consulat et c’est pour être ce qu’ils eussent été si le premier Consul avait été battu à Marengo.

À la vérité, l’empereur n’est plus le maître dans son état‑major. Il a conçu un autre plan, singulièrement hardi, peut-être capable de tout sauver, porter la guerre entre l’Elbe et l’Oder, marcher sur Berlin en donnant la main aux garnisons françaises qui occupent encore les places de l’Allemagne du Nord. Quand ce projet est connu, les maréchaux lèvent les bras au ciel. Ceux qui déjà « boudaient » résistent ouvertement. On est fatigué de ces combinaisons perpétuelles, on est surtout incrédule. L’empereur ne convainc plus, on discute ses idées, on lui tient tête. Ney, Berthier, frappés par la défection de la Bavière, s’élèvent avec violence contre l’entreprise