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LE REFLUX ET LA DÉBÂCLE

reuse : « N’étais-je pas aventuré à Marengo, à Austerlitz, à Iéna, à Wagram ? » C’est le malade qui, dans une crise, pense à celles dont il est déjà sorti, aux remèdes qui l’ont soulagé.

Et comme ils sont tous inutiles ! Autour de lui on n’aspire plus qu’à la paix, le plus tôt possible et en faisant la part du feu. Caulaincourt, à Prague, joue le même rôle que Talleyrand à Erfurt. Dans l’intérêt de l’Empire et de l’empereur lui-même, le duc de Vicence suggère à Metternich de demander beaucoup, d’être exigeant et dur. À la manière du prince de Bénévent, il s’imagine que c’est le moyen de rendre Napoléon plus modéré, de le déterminer à des concessions qui assureront son salut. Metternich n’avait pas besoin de ce conseil. Caulaincourt a encore l’illusion que l’Europe laissera à la France les conquêtes fondamentales de la République. Napoléon persiste à compter sur le concours de l’Autriche dans des négociations auxquelles il n’a été attiré que pour y être mis dans son tort. Le parti des Alliés est pris, leur plan arrêté. Quelles que soient les réponses de Napoléon, l’Autriche lui déclarera la guerre, et l’on s’est arrangé, non pour lui rendre la paix possible, mais pour l’amener dans tous les cas à dire l’équivalent d’un non. Après lui avoir fixé des préliminaires sur trois points, on lui en présente six. Ce sont des conditions variables, extensibles, en accordéon, et, d’autre part, on n’admet pas qu’il les discute. Ce qu’on exige de lui, c’est qu’il abandonne tout moyen de tenir tête aux Anglais. Il voudrait au moins, derniers spasmes de sa politique, sauver Trieste et Hambourg, les grands ports sans lesquels il n’a qu’à renoncer au blocus et à s’avouer vaincu par la puissance des mers. Quand il envoie à Prague son acceptation de principe en réservant l’examen des détails, les Alliés déclarent qu’ils n’admettent pas de contre-projet et que leurs conditions sont un ultimatum. Le 10 août, à minuit, Russes et Prussiens, montre en main, annoncent que c’est fini,