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NAPOLÉON

en termes imprécis de frontières légitimes, ou bien du Rhin, des Alpes, des Pyrénées, et les Français ne manqueront pas de comprendre que les Alliés leur laissent tout ce qui est compris à gauche du Rhin. C’était « l’appât » selon l’expression de Metternich. Personne n’y vit plus clair que Napoléon et aucun boulet ne lui parut le viser comme la grande proclamation des Alliés, celle de Francfort. Il dira en la lisant : « Il faut être passé maître en fait de ruse. » La ruse s’adressait à un peuple fatigué qu’il ne fallait pourtant pas « aigrir ». Elle a réussi au point que l’histoire s’y est trompée durablement.

Les huit semaines de l’armistice sont les dernières où Napoléon, au cœur de l’Allemagne, paraisse encore puissant. Le cercle se resserre déjà autour de lui. Le 28 juin, à Dresde, sa longue et suprême conversation avec Metternich est celle d’un homme traqué. Qu’il ait eu tort de compter sur l’alliance autrichienne, que la politique de son mariage ait été aussi vaine que son ouvrage de Tilsit, il le voit, il le sait et il éclate en reproches stériles : « J’ai promis à l’empereur François de rester en paix avec lui tant que je vivrais ; l’ai épousé sa fille ; je me disais alors : Tu fais une folie ; mais elle est faite ; je la regrette aujourd’hui. » De la colère, des menaces, le légendaire chapeau jeté à terre et que ne ramasse pas Metternich, c’est sa première réponse à la pression que le médiateur autrichien exerce maintenant sur lui. Ou bien Napoléon acceptera au futur congrès « des limites compatibles avec le repos commun », ou bien l’Autriche se joindra à la coalition. François Il y est résolu. Aucune considération de famille ne l’arrêtera. Il n’écoutera que « l’intérêt de ses peuples ». Il faut que Napoléon s’en remette à son beau-père, sinon il aura à combattre un ennemi de plus. « Oui, ce que vous me dites là ne me surprend pas, tout me confirme dans l’opinion que j’ai commis une faute impardonnable. En épousant une Autrichienne, j’ai voulu unir le présent et