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NAPOLÉON

« L’alliance de 1813 a tué Napoléon parce qu’il n’a jamais pu se persuader qu’une coalition pourrait maintenir l’esprit d’union parmi ses membres et persévérer dans le but de son action. » Cette remarque de Metternich est deux fois vraie. D’abord parce que, la coalition s’étant formée, Napoléon se réfugia dans l’espoir de la dissoudre. Ensuite parce que l’empereur était en retard sur les événements et que les Français l’étaient comme lui. À ce retour offensif contre la Révolution et contre son général couronné, les rois étaient poussés par leurs peuples. Maintenant, les vieilles monarchies recevaient l’élan belliqueux qui, vingt ans plus tôt, animait la République. Et, tandis que les peuples leur donnaient l’impulsion, ces gouvernements avaient acquis de l’expérience. À cette longue école il s’était formé chez eux des généraux et des hommes d’État. Si, à partir du moment où la coalition générale s’est nouée, Napoléon a succombé si vite, ce n’est pas seulement au nombre de ses ennemis, au nombre de ses fautes, mais à une politique parfaitement calculée pour provoquer sa chute. Il avait à combattre, avec des forces plus grandes que les siennes, une idée à laquelle la fertilité de son esprit ne pouvait plus opposer rien.

Idée simple, fondée sur une connaissance exacte des Français, de leur caractère, de leur état moral, et qui consiste à distinguer entre la France et Napoléon pour la séparer de Napoléon. Subtile et pernicieuse, cette manœuvre commence dès l’armistice. Au milieu du mois de juin, la Prusse et la Russie qui, déjà, se sont interdit, par leur accord de Kalisch, de conclure la paix séparément, signent avec l’Angleterre le traité de Reichenbach, qui stipule que la paix ne pourra être conclue que du commun accord des Alliés. C’était déjà la convention de 1805, celle qu’Austerlitz avait brisée. Elle est remise en vigueur. Il ne s’est écoulé que huit ans, de 1805 à 1813, et l’on comprend que les coalisés se retrou-