Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/482

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
477
LE REFLUX ET LA DÉBÂCLE

tule sur l’Oder. Est-ce à l’Elbe que les Prussiens, quant à eux, consentiront à s’arrêter ? Il est clair qu’on lui imposera la ligne du Rhin. Or c’est pour la protéger qu’il a fallu la franchir et organiser la Confédération. Que l’on annule les traités de 1809, de 1807, de 1805, et l’on sera ramené à 1800, puis à 1792. Napoléon savait que, « dans la défaite, il faudrait toujours reculer comme, dans la victoire, il avait fallu avancer toujours ». Sorel ajoute que l’effet serait le même si l’empereur consentait à reculer sans combat. En rétablissant la Prusse et l’Autriche dans leur ancienne puissance, il leur eût rendu les moyens de le combattre pour lui reprendre ce qu’il aurait gardé. Et il expliquait très bien, à Sainte-Hélène, qu’en revenant de Moscou il était décidé à des sacrifices. « Mais le moment de les proclamer lui semblait délicat. Une fausse démarche, une parole prononcée mal à propos, pouvait détruire à jamais tout le prestige. » Et il vivait du prestige de son nom. Mieux valait donc se servir de la crainte révérencielle qu’il imposait encore, courir la chance des batailles, ne consentir aux sacrifices qu’après des succès et en se servant du médiateur autrichien, au lieu de traiter sous l’impression du désastre de Russie, c’est‑à‑dire en vaincu.

À ce point extrême de complication, comment les idées de l’empereur ne fussent-elles pas redevenues flottantes ? Il n’était pas plus fixé sur les concessions qu’il pouvait consentir que les rois coalisés sur celles qu’ils pourraient demander, et c’est si vrai que leurs exigences devaient aller en croissant comme les siennes se fussent accrues s’il avait été victorieux. Il faisait tout reposer sur la médiation de son beau‑père. Pourtant, sa raison le mettait en garde contre l’Autriche. Il n’ignorait pas que les Anglais restaient en guerre avec lui, que ses revers de Russie, leurs succès en Espagne les rendaient plus déterminés à poursuivre la lutte jusqu’à la libération de la Belgique. N’ayant aucune prise sur l’Angleterre, il la