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LE 29e BULLETIN

guerre n’est pas une guerre à outrance, que l’on est toujours disposé à entrer en arrangement, à renouer l’amitié et l’alliance, qu’on n’a pas de grandes prétentions, qu’on ne demande qu’une chose, toujours la même, la rupture avec l’Angleterre, des mesures contre le commerce anglais, le respect du blocus, ce qui a été, enfin, la cause de ce malheureux conflit. Tout cela, Napoléon le répète, comme s’il parlait à son ami Alexandre, au « beau et bon jeune homme » de Tilsit, de même qu’il répète avec satisfaction et assurance que Moscou est une « position politique » excellente pour attendre des offres de paix. Il n’est pas loin d’ajouter qu’il est conforme aux usages qu’un souverain dont la capitale est conquise demande les conditions de celui qui loge dans ses palais. Cependant, en souvenir du passé, c’est lui, Napoléon, qui fera le premier pas, et, le 20 septembre, il écrit au tsar : « J’ai fait la guerre à Votre Majesté sans animosité. Un billet d’elle, avant ou après la dernière bataille, eût arrêté ma marche et j’eusse voulu être à même de lui sacrifier l’avantage d’entrer dans Moscou. » À la fin, cordial : « Si Votre Majesté me conserve encore quelque reste de ses anciens sentiments, elle prendra en bonne part cette lettre. » Et le désir qu’il en a se trahit trop.

Il est clair, maintenant, qu’il est venu jusqu’à Moscou en poursuivant le fantôme de Tilsit et qu’il ne veut plus partir sans l’avoir saisi. Que le tsar ne puisse se dispenser de répondre, il se donne toutes les raisons possibles de n’en pas douter. « C’est cette fatale croyance, c’est ce malheureux espoir qui le fit rester à Moscou et braver l’hiver. » Octobre arrivait. Aucun signe d’Alexandre. Pas de nouvelles de Pétersbourg. Seulement, aux avant‑postes (car Koutousof rôde toujours aux environs), Murat est entré en relations avec les cosaques, il a une sorte de popularité parmi eux, et, de même qu’il a songé à devenir roi d’Espagne et roi de Pologne, il est tenté par l’idée de devenir hetman. Pourquoi non ? Tant