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LE 29e BULLETIN

quis, attendre que le tsar offre la paix afin de libérer son territoire de l’occupation française, ou bien faut‑il continuer la poursuite pour frapper le grand coup qui amènera encore plus sûrement la paix ? Il passe avec brusquerie d’une idée à l’autre. Il renonce à établir ses quartiers d’hiver à Vilna parce qu’il entrevoit la possibilité d’une manœuvre qui lui livrera Barclay. Il a fixé au 22 ou au 23 juillet la « bonne bataille » qui finira tout. Le 28, il croit la tenir sur la Loutchega. C’est là qu’il attend son nouveau Friedland, et il crie à Murat : « À demain à cinq heures, le soleil d’Austerlitz. » Ni soleil ni ennemi. Les Russes ont encore battu en retraite. On entre derrière eux à Vitebsk. Mêmes perplexités. D’abord Napoléon annonce qu’il s’installera dans cette ville, donne l’ordre de meubler et même de construire comme s’il devait rester là des mois, demande à Paris des comédiens pour « occuper les soirées d’hiver ». Il déclare que « la campagne de 1812 est finie », que « celle de 1813 fera le reste ». Et puis, aucune nouvelle ne vient d’Alexandre, sinon des rumeurs qui, toutes, se confirment et ne le montrent ni intimidé ni enclin à revenir vers Napoléon. Le tsar a conclu une alliance avec l’Angleterre, une autre avec la Suède, Bernadotte trahissant. Les envoyés des Cortès de Cadix ont été reçus à Saint-Pétersbourg. La paix est sur le point d’être signée entre la Russie et les Turcs. Ainsi pour soumettre Alexandre, l’occupation de Vitebsk n’est pas plus efficace que celle de Vilna. L’empereur, en arrivant, a répété : « Nous ne ferons pas la folie de Charles XII. » Puis il songe qu’il perd du temps, que les événements marcheront tandis qu’il restera immobile. De Vilna, il a conçu une manœuvre qui l’a porté à Vitebsk. De Vitebsk il en conçoit une autre qui le portera à Smolensk. Pourtant, et Charles XII ? Alors Napoléon est repris de cruelles anxiétés. Ségur, qui est déclamateur, le montre tel qu’il était à Paris, selon le rapport sec de Barante : « Il déli-