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NAPOLÉON

menses dont le bruit revient de tous côtés annoncent une guerre plus grande que les autres et si, dès le temps d’Iéna, on était « fatigué des miracles » on l’était bien plus d’attendre encore de grands événements. Alors « l’empereur décrète qu’on va s’amuser ». Il faut des fêtes et des bals partout. Quant à lui, il garde son labeur écrasant, son secret et malgré lui se laisse surprendre absorbé, parfois « chantonnant » comme un homme qui ne voudrait pas qu’on le crût soucieux.

Il a pourtant des sujets de l’être. Toujours tel qu’à trente ans, il veut tout voir, tout connaître, tout contrôler par lui‑même. Mais la machine de l’Empire est lourde à manier. Il ne peut tout faire à lui seul, bien qu’il n’ignore aucun métier, et l’exécution est confiée à des hommes « qui pensent avoir rempli leur tâche en écrivant une lettre à quelqu’un qui en écrivait une à un autre et ainsi de suite ». C’est une vaste bureaucratie, militaire et civile, qui ne l’aide pas « de la moindre idée », qui ne signale même pas un oubli, qui obéit le plus souvent mais qui commence à trop bien connaître sa curiosité du détail et sa passion du contrôle et, comme il ne peut aller partout, le trompe parfois par de faux rapports. Il se plaint de n’avoir ni ministres, ni généraux ; et pourtant comme il aurait besoin de ne pas être seul à donner l’impulsion !

L’organisation de cette Grande Armée qui, de tous les points de l’Empire, se met en marche pour se rassembler sur la Vistule est une conception nouvelle de Bonaparte ; plus extraordinaire que les autres, l’Europe en mouvement, une pensée exprimée par la bigarrure des effectifs. Les auxiliaires étrangers ne servent pas seulement à grossir les forces de la France, à porter à plus de six cent mille hommes cette foule suivie de ses convois comme les migrations des anciens âges. Ces légions qui comprennent des hommes du Nord et des hommes